Des réactions fusent de partout au sujet du verdict rendu ce samedi 20 juin 2020 par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/ Gombe. Vital Kamerhe, Samih Jammal et Jeannot Mohima ont été reconnus coupables pour les détournements des deniers publics, corruption et blanchiment des capitaux.
Le président national de l’Union pour la nation congolaise (UNC) et directeur de cabinet du chef de l’État Félix Antoine Tshisekedi a été condamné à 20 ans des travaux forcés et de 10 ans de privation des droits de vote et d’éligibilité. Il ne pourra pas en outre accéder à des fonctions publiques. À peines, le Tribunal a ajouté celle de la confiscation de certains biens, notamment les titres de propriétés des terrains et concessions acquises durant la période suspecte du détournement.
Mais pour le professeur pénaliste et avocat de renom José Tasoki, le jugement rendu ce jour ne renferme aucun caractère humaniste.
« Je n’ai vu ni lu dans ce prononcé le sens de l’humain et du social, caractéristique du juge pénal. C’est comme si les juges ont jugé les infractions et non les individus. Ces juges ont, à la manière d’un automate, appliqué un tarif. Désolé », a réagi cet enseignant sur sa page Facebook.
En outre, le Prof José Tasoki semble étonner de la cérélité avec laquelle le jugement a été rédigée en l’espace de moins de 10 jours. C’est une première dans les annales des juridictions congolaises, habituées à passer plusieurs jours, de semaines, voire de mois pour couler les jugements.
« En l’espace de 10 jours, les juges ont su rédiger et prononcer leur décision. Félicitations à eux », écrit-il, avant de souligner que « cet exploit hors du commun ne doit cependant pas occulter la lenteur qui gangrène l’administration de la justice au Congo ».
Par ailleurs, José Tasoki s’étonne que les juges ne fassent de référence qu’aux jurisprudences des années 70 et 80.
« (…) Si en 2020, les juges se réfèrent à la jurisprudence des années 70 et 80 , êtes-vous sûrs qu’en 2050, les juges qui viendront citeront les arrêts de l’actuelle cour constitutionnelle sur la composition du siège ou sur la confusion entre subornation des témoins et corruption ou sur la correction d’erreurs matérielles sur le contentieux électoral ou encore sur l’état d’urgence sanitaire par exemple ?
Êtes-vous sûrs qu’en 2050, un magistrat du parquet près la cour de cassation qui viendra pourra lancer un mandat d’amener contre un député national sous le fallacieux prétexte de la flagrance mal comprise et mal définie en référence au cas Mamba ? Êtes-vous sûrs qu’un magistrat du parquet près le conseil d’État qui viendra pourra requérir la force publique pour bloquer le fonctionnement d’une institution comme le parlement dont le siège est de notoriété inviolable, en référence au remplacement de Kabund au bureau de l’Assemblée nationale ? » Ce sont autant de questions soulevées par ce professeur d’université, avant de conclure : « travaillons pour la postérité », en estimant que « les juges et magistrats de l’époque de Lihau Marcel et Kengo Léon – tous deux membres du régime Mobutu – avaient effectivement travaillé pour la prospérité.
Même s’il ne l’a pas clairement mentionné, la réaction du professeur José Tasoki s’inscrit dans la logique de ceux qui pensent que le procès Kamerhe n’aurait pas vraiment répondu aux critères d’un procès pénal reposant sur les motivations des faits pénaux ; mieux, par cette réaction du professeur pénaliste José Tasoki, on peut conclure que la justice congolaise a encore du chemin à parcourir afin de répondre aux attentes des générations précédentes et futures de la RDC.
Jean Médard LIWOSO