Elle restera gravée dans la mémoire collective des congolais. L’homélie du cardinal Fridolin Ambongo prononcée à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de l’accession à l’indépendance de la République Démocratique du Congo, ce mardi 30 juin 2020. Le prélat catholique aura dressé un tableau fidèle et sombre de la situation du pays, sans langue de bois. Certains estiment qu’il a dit haut ce que nombre des congolais disent bas.
C’est en effet, un discours révolutionnaire et de réarmement moral en faveur du peuple congolais face au climat généralement morose que traverse le pays, depuis les élections controversées de décembre 2018.
Fridolin Ambongo – l’archevêque métropolitain de Kinshasa – n’a pas du tout été tendre vis-à-vis de la coalition Fcc-Cach.
« (…) Cette coalition sait très bien comment elle avait foulé au pied la volonté du peuple pour arriver là. La coalition sait. Maintenant, ses membres le disent . Malgré tout, le peuple avait fini par se résigner et à accepter le fait accompli. Un peu comme dans le récit de Jacob qui avait volé la bénédiction destinée à son frère aîné Esau (cf.Gn27), le peuple espérait que du mal originel pouvait sortir un bien. Malheureusement,le constat est là », a déclaré Mgr Fridolin Ambongo sous les acclamations des fidèles catholiques réunis ce jour à la cathédrale Notre-Dame du Congo.
C’est un message qui présente de similitudes à celui d’un certain pasteur Ekofo, mais surtout il rejoint totalement l’esprit et la lettre de ce que l’on a toujours dénoncé au sein de Lamuka. A savoir, « la fraude électorale de 2018 ayant consacré la mise en place des nouvelles et illégitimes institutions du pays.
Mais les propos de Fridolin Ambongo ont été encore plus durs et sans ambages lorsqu’il s’est mis à dénoncer les manœuvres politiques concernant le processus de désignation des nouveaux animateurs de la CENI, mais aussi des réformes législatives envisagées dans le secteur de la justice à travers les 3 propositions de lois initiées par les députés nationaux Aubin Minaku et Gary Sakata.
« Au tour de la question de la CENI, nous notons de la part de la présidente de l’Assemblée nationale une attitude de mépris vis-à-vis de l’Eglise Catholique , de l’Eglise Protestante et de la population congolaise. Ces deux Églises qui reprennent plus de 80% de la population congolaise ont dit NON à la nomination d’un personnage qui a été déjà mêlées dans les fraudes électorales. Malgré le NON de ces deux Églises, Madame la Présidente continue tranquillement à faire croire au peuple que les Confessions religieuses se sont réunies pour signer un document d’appui à la candidature de ce Monsieur (Ronsard Malonda , ndlr) qui était le cerveau moteur du système Nangaa. Nous n’en voulons pas. La deuxième preuve du mépris que l’Assemblée nationale a pour le peuple, c’est par rapport à ces trois lois Minaku-Sakata. Le peuple n’en veut pas. l’Eglise Catholique, l’Eglise Protestante et les Associations Civiles se sont prononcées massivement contre ces lois qui ne visent qu’à protéger ceux qui se sentent coupables. Et là, nous notons aussi une attitude de mépris, d’arrogance qui a caractérisé l’ancien système. Nous ne l’acceptons pas », a dénoncé le prélat catholique.
D’où son appel à l’ensemble de la population congolaise, à la société civile, à l’Eglise Catholique qui est déjà en ordre de marche d’après ses termes, mais aussi à l’Eglise Protestante » à s’élever , à redresser le front pour faire barrage à ces velléités qui n’ont comme unique objectif que de protéger les intérêts partisans de ceux qui ne veulent pas d’une justice juste ».
Et au cardinal Fridolin Ambongo de prévenir , » les jours à venir seront difficiles. Et je tiens ici à demander au peuple de se tenir en ordre de marche », car pour lui, « lorsque le moment viendra, lorsqu’ils s’obstiendront à faire passer ces lois et ce personnage à la tête de la CENI,il faudra qu’ils nous trouvent sur leur chemin ».
Pour le numéro 1 de l’église catholique de la capitale congolaise, « on ne peut pas continuer, après 60 ans de l’indépendance du pays, à gouverner par défi, par mépris du peuple, par mépris de l’Eglise Catholique et de l’Eglise Protestante ».
Le cardinal Fridolin Ambongo pense donc qu’on ne peut jamais tolérer de voir la majorité parlementaire faire la main basse sur la CENI et à la magistrature, des principes importants d’un Etat de droit. « Si vous n’avez pas ces deux-là ( l’indépendance de la CENI et celle de la justice, ndlr), oubliez l’importance qu’on puisse accorder au peuple ».
Par ailleurs, Fridolin Ambongo a dénoncé la misère qui gangrène le peuple congolais, l’inviolabilité de son territoire qui n’est pas garantie et le projet de balkanisation de la RDC qui serait toujours en marche, dénonçant en outre l’occupation du pays par les armées de ses 9 pays limitrophes. Incroyable mais vrai !
« La vérité est que le Congo qui a 9 voisins, tous sont présents chez nous : soit par leurs Armées , c’est la plupart des cas ; soit par leurs immigrés ».
Cette homélie prononcée en ce jour mémorable de l’indépendance de la RDC, constitue ni plus ni moins un espoir pour le peuple congolais, du moins une bonne partie qui comprend bien que le pays va mal et qu’il faille se mobiliser comme un seul homme pour relever l’état dans lequel il se retrouve actuellement.
Jean Médard LIWOSO