La question figurait en filigrane au nombre des points abordés par Martin Fayulu lors de son meeting organisé au Terrain Sainte Thérèse le samedi 22 août dernier, à l’occasion de son retour au pays.
Étrangement, elle aurait visiblement échappé à l’attention de certains, notamment les proches du pouvoir de Kinshasa.
Ce jour là, Martin Fayulu avait clairement dénoncé la violation de la procédure dans la nomination des juges à la cour constitutionnelle, en remplacement de Noël Kilomba et Jean Ubulu Pungu, deux juges issus de la composante conseil supérieur de la magistrature.
Il a fallu attendre plus d’une semaine après pour que l’entourage du chef de l’État sorte de sa torpeur pour réaliser que la déclaration de celui qui se considère toujours comme le véritable président élu de la République Démocratique du Congo soulèverait la controverse.
En effet, loin de toute attitude rancunière et inélégante à l’endroit des juges qu’il tient responsables du déni de justice lors du contentieux électoral qu’il avait soumis à la cour constitutionnelle, l’ancien candidat à la présidentielle de 2018 ne cautionne pas l’illégalité qui fait cortège aux ordonnances présidentielles visant la défenestration des deux hauts magistrats susnommés. Martin Fayulu est revenu sur sa déclaration à l’issue d’une audience qu’il a accordée ce lundi 31 août 2020 à Me Théodore Ngoyi, avocat conseil des juges cités ci-dessus.
« ( …) Nous disons ici que nous voulons construire un état de droit ; ce n’est pas un mot qu’on lance en vain, il faut que les actes suivent. Monsieur Tshisekedi – il le sait – n’est pas légitime. Non seulement il est illégitime, mais il pose maintenant des actes en violation intentionnelle de la constitution. On ne peut pas laisser passer cet aspect des choses. C’est pour cela, je soutiens totalement l’action de Me Théodore Ngoyi. Je dis à la population, je dis à tout le monde, monsieur Tshisekedi court le risque énorme. Donc, il doit être traité de haute trahison. Voilà ce que nous disons. Et on ne peut pas prendre à chaque fois, pour le Congo, de demi-mesures. On ne peut pas, à chaque fois pour le Congo, accepter des choses inacceptables. Ce n’est pas parce que ces juges là m’ont causé du tort que je dois soutenir la violation intentionnelle de la constitution; non! Nous sommes des hommes et femmes de valeur. Le respect de la constitution est sacrée, et Monsieur Tshisekedi doit respecter la constitution », avait déclaré Martin Fayulu à la suite de l’entrevue avec son hôte du jour. Me Théodore Ngoyi , ancien candidat malheureux à la dernière présidentielle, était donc venu encourager le président national de l’Ecidé pour avoir pris à cœur la question des deux juges constitutionnels.
Car, pour Théodore Ngoyi, le président Félix Antoine Tshisekedi devrait tout simplement rapporter les ordonnances y afférentes, au risque d’être traduit en justice, par le parlement réuni en congrès, de Haute Trahison. Car pour lui, aucune disposition constitutionnelle ni organique ne donne la prérogative au chef de l’Etat de procéder au remplacement de deux juges provenant d’une même composante. Ceci ne peut être effectif qu’à travers un tirage au sort en raison d’un juge par groupe. Et celui-ci ne pourra avoir lieu qu’en avril 2021.
La déclaration de Martin Fayulu semble embarrasser, bousculer et rendre l’insomniaque le camp présidentiel. L’ancien candidat président de Lamuka est lui aussi la cible des critiques de l’entourage du locataire de la cité de l’Union Africaine.
Certains vont jusqu’à le qualifier d’être le sous-traitant du Front Commun pour le Congo – la plateforme politique de Joseph Kabila – qui est pourtant l’allié politique de Félix Antoine Tshisekedi.
D’autres accusent même Mafa de comploter avec le pasteur – avocat Théodore Ngoyi pour déstabiliser le pays.
En RDC, au nom de la politique politicienne et des intérêts égoïstes, beaucoup de gens acceptent parfois de cautionner la violation de la constitution et des lois du pays.
Et la question de l’illégalité ou de la légalité des ordonnances présidentielles concernant les nominations et permutation des juges Noël Kilomba et Jean Ubulu Pungu continue de diviser la classe politique. Alors que certains disent défendre le respect de la constitution, d’autres pensent qu’il faille tout simplement tourner la page en dépit des irrégularités constatées, étant donné que ces juges sont parmi les principaux de la cour constitutionnelle dont le travail a été toujours critiqué par les acteurs politiques, en ce qui concerne par exemple le traitement des recours des contentieux électoraux et de candidature lors des élections controversées de décembre 2018.
La rentrée parlementaire du 15 septembre prochain s’annonce donc houleuse au regard de ces différentes accusations qui s’accumulent contre le chef de l’Etat congolais.
Jean Médard LIWOSO