C’est en tout cas l’une des recommandations formulées par l’Union interparlementaire (UIP) aux autorités administratives, parlementaires et judiciaires de la RDC à l’issue de l’examen du dossier qui lui a été soumis par le député national Jean-Jacques Mamba.
En effet, cet élu de l’opposition ( MLC) dans la circonscription électorale de la Lukunga (Kinshasa) visiblement menacé par le parti au pouvoir – l’UDPS Tshisekedi- à la suite de sa pétition qui avait débouché par la destitution du premier vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund-A-Kabund, président a.i du parti présidentiel, a dû quitter le pays depuis quelques mois. Il avait aussitôt saisi l’Union interparlementaire contre les actes de menaces, d’intimidations et d’atteintes à la liberté d’expression ainsi que de ses droits parlementaires.
Sa requête a été examinée et jugée recevable par cet organe international de protection et de défense des droits des parlementaires.
Ainsi, dans sa décision rendue publique le lundi 9 novembre 2020 à travers sa session spéciale en ligne, L’UIP, se fondant sur le récit des faits en sa possession, a fait observer une série de violations de droits de l’homme dont a été victime le député Jean-Jacques Mamba. Ce dernier qui avait tout simplement usé de son droit parlementaire en initiant la pétition qui a été signée au total par 62 députés nationaux et dont la procédure de destitution a été validée par la cour constitutionnelle.
Pour L’UIP, « le cas de M. Mamba devrait donc inciter les autorités compétentes à prendre les préoccupations en question d’autant plus sérieux ». Elle encourage également les autorités « à faire en sorte que les progrès accomplis jusque-là sur le plan politique ne soient pas compromis, en prenant les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et le respect des droits fondamentaux de M.Mamba ». Ce dernier qui a promis de regagner le pays d’ici quelques jours.
Politiquerdc.net vous invite plutôt à parcourir ci-dessous l’intégralité de la décision rendue en faveur du député Jean-Jacques Mamba. L’UIP est brièvement revenue également sur le contexte ayant occasionné cette affaire, depuis le mois de mai dernier.
- Allégations de violations des droits de l’homme
- Menaces, actes d’intimidation Cas COD148, République Démocratique du Congo :
- Non-respect des garanties d’une procédure équitable au stade de l’enquête
- Atteinte à la liberté d’opinion et d’expression. A. Résumé du cas.
Le 13 mai 2020, M. Jean Jacques Mamba a présenté une pétition signée par 62 députés réclamant le départ du premier Vice-Président de l’Assemblée Nationale, M. Jean-Marc Kabund. Cette pétition a vu le jour suite au refus de M. Kabund de répondre à deux demandes écrites formulées par M. Jean Jacques Mamba invitant M. Kabund à expliquer des propos qu’il avait tenus concernant l’organisation d’un congrès de députés qui coûterait sept millions de dollars des Etats-Unis. Après le dépôt de la pétition auprès du Bureau de l’Assemblée Nationale, le député Simon Mpiana a déclaré que sa signature avait été falsifiée et a soumis en conséquence une plainte à la Cour de Cassation. Selon le plaignant, les accusations de M. Mpiana seraient infondées, puisque deux députés auraient attesté que M. Mpiana avait signé la pétition en leur présence. L’ancien premier Vice-Président a également déposé un recours en contestation de la procédure ayant abouti à sa destitution auprès du Conseil d’État.
Le 22 mai 2020, M. Mamba a informé les forces de l’ordre que son domicile avait été attaqué. Au lendemain de cette agression, les forces de l’ordre se sont présentés au domicile de M. Mamba et ont procédé à son arrestation. Le plaignant allègue que l’arrestation de M. Mamba a eu lieu dans des conditions humiliantes et en l’absence de tout document autorisant son arrestation. M. Mamba aurait aussitôt été amené devant le juge de la Cour de Cassation sans être auditionné. Selon le plaignant, le but de cette manœuvre était de faire condamner M. Mamba le jour même afin d’annuler la pétition qu’il avait présentée, nullifiant ainsi sa portée. Cela n’a pas été le cas, car après avoir constaté l’absence d’audition et d’informations sur les faits justifiant son arrestation, le juge de la Cour de Cassation a décidé de libérer M. Mamba et de le placer en résidence surveillée. En outre, l’Assemblée nationale a examiné la pétition de M. Mamba après qu’une commission de validation des signatures a authentifié les 62 signatures. Ainsi, le 25 mai 2020, le premier Vice-Président a été destitué. Cette décision a été entérinée par la Cour Constitutionnelle le 17 juin 2020.
Le 27 mai 2020, l’Assemblée Nationale a adopté une résolution demandant la suspension de la détention et des poursuites contre M. Mamba en application de l’article 107 de la Constitution pendant la session parlementaire. Le même jour, la Cour de cassation a décidé de suspendre les poursuites judiciaires jusqu’à la fin de la session parlementaire en cours.
Le 15 septembre 2020, à la reprise de la session parlementaire, le Parquet a émis un nouveau mandat d’amener contre M. Mamba étant donné que la résolution adoptée par l’Assemblée Nationale ne couvrait que la session précédente. M. Mamba a depuis lors quitté le territoire pour échapper à la prison. Le plaignant ajoute que le député a perdu toute confiance dans le système judiciaire car, selon lui, la décision de le condamner a déjà été prise. Lors d’une rencontre avec le Secrétaire général de l’UIP, le Ministre congolais des droits humains a affirmé le caractère arbitraire de la détention de M. Mamba. Il a également réaffirmé son soutien au député et son engagement à faire respecter les droits des députés.
B. Décision
Le Conseil directeur de l’Union interparlementaire
- note que la plainte concernant M. Jean-Jacques Mamba est recevable, considérant que la communication : i) a été présentée en bonne et due forme par un plaignant qualifié en application de la section I. 1 a) de la Procédure d’examen et de traitement des plaintes (Annexe I des Règles et pratiques révisées du Comité des droits de l’homme des parlementaires) ; ii) concerne un parlementaire dans l’exercice de ses fonctions au moment où ont été formulées les allégations initiales ; et iii) a trait à des allégations d’atteinte à la liberté d’opinion et d’expression, de non-respect des garanties au stade de l’enquête et de menaces et actes d’intimidation, allégations qui relèvent de la compétence du Comité ;
- est très préoccupé par le fait que l’arrestation de M. Mamba semble avoir violé son immunité parlementaire et que les poursuites judiciaires dont il fait l’objet semblent découler de l’exercice légitime de son mandat parlementaire ; souligne que la pétition de M. Mamba dépassait les 50 signatures requises par le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et que sur les 62 signatures recueillies, seule l’authenticité de l’une d’elles a été remise en question ; note que l’Assemblée nationale a authentifié et validé cette pétition et que la Cour Constitutionnelle a confirmé la destitution de l’ancien premier Vice-Président ;
- regrette que M. Mamba ait été contraint de quitter son pays et, par conséquent, ne puisse pas participer aux travaux de la session parlementaire en cours en raison du nouveau mandat d’amener dont il fait l’objet ;
- relève que cette affaire doit être située dans le contexte d’un grand nombre d’autres affaires en République démocratique du Congo dont est saisi le Comité des droits de l’homme des parlementaires et qui n’ont pas encore été entièrement résolues à ce jour ; souligne que le cas de M. Mamba devrait donc inciter les autorités compétentes à prendre les préoccupations en question d’autant plus au sérieux ; encourage donc les autorités à faire en sorte que les progrès accomplis jusque-là sur le plan politique ne soient pas compromis, en prenant les mesures nécessaires pour garantir la sécurité et le respect des droits fondamentaux de M. Mamba ;
- se félicite à cet égard des mesures prises par l’Assemblée nationale suite à l’arrestation le 22 mai 2020 de M. Mamba en vue de lui garantir ses droits, notamment l’adoption, le 27 mai 2020, d’une résolution demandant la suspension des poursuites à son encontre ; invite les autorités parlementaires à prendre toutes les dispositions utiles qui permettront à M. Mamba de retourner en RDC sans peur d’être arrêté de nouveau et soumis aux mêmes poursuites ;
- prend note avec satisfaction du soutien apporté par le Ministre congolais des droits humains à l’exercice par M. Mamba de ses droits dans le cadre de son mandat parlementaire et espère qu’il sera en mesure de continuer à suivre son dossier et que d’autres autorités exécutives et judiciaires feront de même ; souhaite être informé à ce propos ;
- prie le Secrétaire général de porter la présente décision à la connaissance des autorités parlementaires, du Ministre des droits humains, du Procureur de la République et du plaignant ;
- prie le Comité de poursuivre l’examen de ce cas et de lui faire rapport en temps utile.
Décision de l’Union interparlementaire avec la rédaction de politiquerdc.net