Le président national du Nouvel Elan et l’un des leaders de la coalition Lamuka s’est entretenu le samedi 14 Novembre 2020 avec sa base de Tshangu (Kinshasa), à travers ce qu’il a dénommé » dialogue vertical avec la population ».
D’après Steve Kivuata – le secrétaire général du Nouvel Elan – Adolphe Muzito a procédé, au cours de ces échanges, à quelques pistes de réflexion sur la crise congolaise en général et les consultations organisées par le président Felix Antoine Tshisekedi en particulier.
Il précise que le président du Nouvel Elan avait subdivisé le thème de son exposé en deux points à savoir :
I. Pourquoi le Nouvel Elan et son leader, A. Muzito, n’ont pas participé aux consultations présidentielles?
II. Quels sont les résultats possibles que M. Félix Antoine Tshisekedi , l’UDPS et/ou le peuple peuvent-ils attendre de ces consultations ?
A la première question, le leader de Nouvel Elan a avancé les raisons suivantes :
- L’absence d’invitation aux consultations de M. Félix Antoine Tshisekedi. À supposer même qu’elle ait été envoyée, A. Muzito n’aurait pas réservé une suite favorable à cette dernière pour d’autres raisons ci-dessous.
- Du fait de sa posture de Chef de l’Etat, M. Félix Antoine Tshisekedi ne peut qu’écouter et décider. Or, étant partie prenante comme les autres (Dans le cas d’espèce, LAMUKA) avec lesquels il est censé traiter sur le même pied d’égalité, mais par le bias de sa coalition CACH, la discussion n’est envisageable qu’autour d’un médiateur neutre, a déclaré Adolphe Muzito.
Pour lui, le président de la République pose mal le diagnostic de la crise en la réduisant à la divergence de vues entre lui (CACH) et son partenaire Joseph Kabila (FCC), à propos de l’accord qui les lie. Ainsi, son initiative va déboucher sur une fausse thérapie qui vise à créer une nouvelle alliance ou une nouvelle majorité appelée « Union sacrée », en remplacement à la première, qui lui permettrait de mieux gouverner.
Alors que pour le Nouvel Elan, cette crise n’est que la conséquence d’une crise plus profonde qui les oppose au peuple, qui est celle de « l’illégitimité » et de « l’illégalité » de l’ordre institutionnel qu’ils ont mis en place; à savoir un Président de la République, sans majorité parlementaire et sans fonctions régaliennes dont la défense et la justice. Donc, incapable d’assumer son mandat, de réaliser son programme et de donner des résultats socio-économiques au peuple.
II. Quels sont les résultats possibles que M. Félix Antoine Tshisekedi , l’UDPS et/ou le peuple peuvent attendre des consultations présidentielles?
D’après toujours Me Steve Kivuata, le leader de Nouvel Elan, en discussions avec sa base militante de TSHANGU, a envisagé cinq scénarii possibles en guise de résultats des consultations de M. Félix Antoine Tshisekedi. Ils sont présentés de la manière suivante :
- 1er Scénario
Ici, M. Félix Antoine Tshisekedi échoue dans le recrutement de nouveaux députés en vue de former une nouvelle majorité parlementaire et donc de conclure un nouvel accord parce qu’il n’aura pas réussi à mobiliser suffisamment des députés en faveur de son Union sacrée. Il se verrait dans l’obligation de rentrer politiquement diminué auprès de Kabila pour continuer leur accord, sans perspectives d’une quelconque réforme institutionnelle. Ce scénario affaiblira davantage M. Félix Antoine Tshisekedi et réduira davantage sa capacité de réaliser sa vision.
Il n’y aura d’issue ni pour lui-même, ni pour le pays.
- 2e Scénario
M. Félix Antoine Tshisekedi réussit à recruter quelques députés, à augmenter son poids au sein de l’Assemblée nationale ainsi que son quota au sein de la coalition FCC-CACH, mais n’arrive ni à avoir une majorité parlementaire ni à avoir le contrôle de ses fonctions régaliennes, dont la Défense et la Justice, ainsi que la gestion des Finances et des Mines.
Dans ce cas de figure encore une fois, M. Félix Antoine Tshisekedi ne pourra pas matérialiser son programme économique et social.
La crise dans le pays ne trouvera pas un début de solution.
- 3e Scénario
M. Félix Antoine Tshisekedi réussit à requalifier la majorité parlementaire, en obtenant l’adhésion à son union sacrée, de quelques députés du FCC et/ou de LAMUKA, en considérant que M. Kabila se laisserait faire ou serait prêt à renoncer à leur alliance. Or, Kabila tient tellement à M. Tshisekedi et à l’accord de coalition pour gouverner ensemble alors qu’il n’avait pas besoin de ce dernier pour former la majorité parlementaire. Sa stratégie consisterait à faire porter à M. Félix Antoine Tshisekedi, la responsabilité du bilan négatif de la législature lors de la prochaine présidentielle.
D’autre part, le renversement de la majorité parlementaire devrait passer nécessairement par une démission du Premier Ministre, qui est du FCC, à moins que M. Tshisekedi ne puisse décider d’opérer un coup de force ou de faire tomber le gouvernement à la suite du vote de la motion de censure par la nouvelle majorité parlementaire de fait qu’il aurait constituée. La démission du Premier Ministre est le seul acte qui peut donner l’opportunité à M. Félix Antoine Tshisekedi de désigner un informateur, qui pourrait identifier la supposée nouvelle majorité.
Cette option ne va pas non plus résoudre la crise puisque les débauchés resteraient toujours manipulables et capables à tout moment, de revenir sur leur décision.
Aussi M. Félix Antoine Tshisekedi aura du mal à rivaliser avec Kabila sur le terrain du débauchage des députés en termes d’expérience en la matière et de la disposition des moyens financiers.
- 4e Scénario
M. Félix Antoine Tshisekedi lève l’option de dissoudre l’Assemblée Nationale par un coup de force, puisque du point de vue constitutionnel, une ordonnance de dissolution de l’Assemblée Nationale est soumise à un contreseing du Premier Ministre qui est du FCC.
Cette option présente les inconvénients suivants :
- Les élections anticipées ne concerneront que les législatives et non la présidentielle, pourtant l’institution Président de la République est aussi concernée par la crise de légitimité.
- La difficulté voire impossibilité d’organiser les élections législatives dans les soixante jours; d’où une situation d’inconstitutionnalité.
- A défaut d’organiser les élections dans les soixante jours, nous entrerons dans une période d’exception où le Président pourrait s’approprier les compétences du Parlement avec risque d’une dérive dictatoriale.
- Au cas où les législatives étaient organisées dans les soixante jours, il n’y a pas de garanties que M. F. Tshisekedi gagnerait par les urnes, une majorité parlementaire, pour rentrer dans une situation normale, d’un Président de la République, disposant d’une majorité parlementaire et de ses fonctions régaliennes.
- 5e Scénario
Dans ce scénario, toutes les parties prenantes à la crise congolaise dégageraient un consensus autour des réformes structurelles comme préalables aux élections générales anticipées ( Voir Plan de sortie de crise du Président élu Martin FAYULU).
Cette option a l’avantage, d’après Adolphe Muzito, de mettre fin à l’illégitimité et à une alliance contre-nature qui a mis à la tête du pays, un monstre institutionnel, à savoir un Président de la République sans majorité parlementaire et sans maitrise des fonctions régaliennes.
Pour les analystes politiques, bien que n’ayant pas été invité aux consultations présidentielles, l’ancien premier ministre, Adolphe Muzito vient là d’apporter sa contribution à la sortie de la crise politique actuelle qui menace le bon fonctionnement des institutions du pays. Quitte au chef de l’Etat de capitaliser ces analyses parmi tant d’autres qui lui ont été soumises par les acteurs et organisations déjà consultés afin de déboucher à des décisions qui sortiraient le pays dans la situation chaotique actuelle, et permettre ainsi de faire avancer les choses pour l’intérêt général du peuple congolais.
Jean Médard LIWOSO