Au lendemain de l’alternance au sommet de l’État, d’aucuns doutaient – malgré le semblant d’entente affichée par les deux coalisés au pouvoir – de la solidité du mariage FCC-CACH. Trop peu de gens pariaient sur la tenue de cette union jusqu’aux prochaines échéances électorales, en 2023. Tout observateur sérieux était pessimiste au regard de la différence entre les deux groupes diamétralement opposés de cheminer jusqu’au bout, sans pouvoir se poignarder, l’un l’autre. Fatshi Béton et China Rambo, ainsi que les disignent leurs partisans respectifs, se regardent comme les chiens de faïence.
Et d’ailleurs, le débat sur le divorce politique ne fait plus aucun doute, l’opinion publique se demande uniquement quand est-ce qu’il aura lieu, dans quelles conditions et des éventuelles conséquences. En prélude à cette dissolution conjugale, on a assiste à une certaine scène de dénonciations réciproques sur la megestion et le détournement de l’un ou l’autre partenaire.
La semaine dernière, le débat était focalisé autour du dépassement excessif du budget de l’État, notamment par la présidence de la République. Le projet de loi portant reddition des comptes de l’exercice 2019 , présenté par le ministre des finances à l’Assemblée nationale, avait en tout cas démontré une certaine megestion dans le chef de la première institution du pays. Un coup fourré du FCC contre le Cach, mieux contre le président de la République.
Et pendant que ce plat est encore chaud sur la table de plus d’un congolais, c’est maintenant le tour de l’inspection générale des finances – un service acquis totalement à la cause du chef de l’État – de venir à la rescousse de ce dernier en bousculant le camp du FCC de Joseph Kabila.
Présentant devant la presse ce mercredi 18 novembre 2020 à Kinshasa le rapport des missions d’inspection effectuées par les inspecteurs financiers auprès de certaines provinces, ministres, services et projets publics, l’inspection des finances a déballé – sans directement citer des noms – plusieurs gestionnaires du pouvoir sortant.
Parmi les dossiers de détournement dévoilés devant la presse aujourd’hui, figurent ceux du projet Parc Agro-industriel de Bukangalonzo, le Go pass et celui du SECOPE.
Abordant la question relative au dossier Bukangalonzo par exemple, l’IGF a révélé que sur une l’enveloppe globale de 285 millions de dollars américains décaissés, il a été dit qu’il n’y aurait que 80 millions qui ont été retracés et les 205 millions de dollars seraient détournés.
À l’en croire, l’échec de ce projet était planifié dès sa conception . Et ce, suite à la procédure de gré à gré pour un marché public d’un montant colossal – sans publicité ni mise en concurrence préalables- mais rien qu’avec un partenaire non expérimenté et n’évoluant pas dans le secteur agricole dans son pays d’origine, l’Afrique du Sud.
A cela s’est ajoutée la surfacturation en moyenne de 1 à 10 % pour les acquisitions des équipements et des engrais agricoles.
« La surfacturation présumée des travaux de soutirage d’électricité sur la ligne Inga à 40 millions de dollars dont un trop paiement de 2 millions de dollars », précise le rapport de l’IGF.
Mais chose grave, le rapport précise que les 80 % des paiements surfacturés dans le cadre du projet Bukangalonzo, ont été logés dans un compte en Afrique du Sud où les complices se retrouvaient régulièrement pour se partager le butin.
Six présumés auteurs de ce détournement de fonds se recrutent parmi des personnes dont certaines sont couvertes par les immunités parlementaires, l’une est un expatrié et l’autre un Congolais en fuite en Europe, a -t-on précisé.
Même si les noms des auteurs du détournement n’ont pas été révélés à la presse, tout porte à croire que c’est l’entourage de l’ancien président de la République, Joseph Kabila, qui est au cœur de cette affaire.
S’agissant de Go-pass, les résultats des enquêtes de l’IGF indiquent que, de 2015 à fin 2019, le montant collecté s’evelerait à 124 millions de dollars . Cependant, 118 millions de dollars ont été comptabilisés, mais 6 millions de dollars n’ont laissé aucune trace.
Ainsi, 90% des recettes affectés aux infrastructures aéroportuaires et 10% affectés à des dépenses n’ayant aucun lien avec l’objet de ce projet.
Le détournement de 2 millions de dollars par paiement des intérêts injustifiés à été détecté.
L’affectation des ressources de l’IDEF à des aéroports non rentables sur les 87 millions de dollars des marchés. Les auteurs de tous ces détournements devront donc répondre de leur forfaiture devant la justice.
D’ores et déjà, l’IGF annonce avoir saisi la justice contre les présumés auteurs de ces crimes économiques. Le rapport est déjà déposé auprès du procureur général près la cour de cassation.
« (…) Nous avons demandé au procureur que les responsables des crimes économiques ne puissent pas quitter le pays », a déclaré le très médiatisé Inspecteur général de l’IGF, Jules Alingeti.
Pour les observateurs avertis, le combat entre le pouvoir sortant et celui entrant a atteint une dimension mystique. La neutralisation est désormais ouverte dans tous les champs possibles. Qui de Félix Antoine Tshisekedi ou de Joseph Kabila remportera la bataille ?
Jean Médard LIWOSO