La question mérite bien son pesant d’or.
En effet, attendu depuis quelques semaines, le premier ministre du nouveau gouvernement issu de l’union sacrée de la nation – deuxième chef du gouvernement, sous le règne du président Félix Antoine Tshisekedi – est désormais connu. Jean- Michel Sama Lukonde , 43 ans – d’origine katangaise comme son prédécesseur – est un ancien ministre des sports, du gouvernement Matata, sous le régime Kabila. Il a été nommé par ordonnance présidentielle, ce lundi 15 février 2021.
Les rumeurs de sa nomination avaient déjà envahi les réseaux sociaux , 48 heures déjà. Inconnu du grand public, l’homme est un candidat malheureux aux élections législatives de 2018, dans la circonscription électorale de Kasenga. Jean-Michel Sama Lukonde occupait avant sa nomination à la primature le poste de directeur général de la Gecamines depuis 2020, après sa nomination en 2019. Il a été porté à ce poste par le chef de l’Etat congolais sur base d’un accord obtenu entre celui-ci et son prédécesseur Joseph Kabila Kabange, affirme certaines sources proches de l’ancien régime.
Un peu comme ce fut le cas avec le premier ministre sortant, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, la nomination de l’ingénieur Jean-Michel Sama Lukonde a surpris plus d’un congolais en général, et les militants et sympathisants du pouvoir en particulier.
« Face aux défis politiques, sécuritaires et économiques du moment, d’aucuns – au sein de l’opinion – pariaient sur une personnalité politique revêtue non seulement d’une expérience avérée sur la situation de crise, mais surtout d’une certaine légitimité populaire à même de garantir la confiance de la population congolaise, en quête d’un véritable changement après le gâchis enregistré durant les deux années de la coalition FCC-CACH. Mais loin des attentes populaires, le chef de l’Etat congolais nous a déçus franchement(…) », a largué un combattant ( militant de l’UDPS) rencontré devant la permanence du parti présidentiel , à la 10e rue Limete, très furieux, lors d’un entretien avec politiquerdc.net.
Il n’est pas le seul. Un autre a déclaré que : « pour comprendre la colère qui nous anime, il suffit de constater le silence qui s’observe dans la ville. Il n’y a eu aucune réaction de la population, personne n’a applaudi cette nomination. Peut-être que le président lui-même va nous expliquer », a répondu un autre combattant de l’UDPS, promettant par ailleurs, qu’il prendrait ses dispositions « après la communication qui sera faire incessamment par les autorités du parti ».
Alors que des noms de certaines personnalités politiques bien connues de la politique étaient sur toutes les lèvres et semblaient d’ailleurs rassurer sur un avenir radieux de la gouvernance de l’Union sacrée, le choix de Jean-Michel Sama Lukonde vient de replonger tout un peuple dans une incertitude plus que totale, pensent certains observateurs.
Voulant le lier à Moïse Katumbi – l’un des partenaires de taille de l’Union Sacrée – les lieutenants de ce dernier, notamment le député provincial Mike Mukebayi, a démenti toute implication de son leader dans le choix du nouveau locataire de la primature.
Bien plus, la nomination du nouveau premier ministre fait ressurgir la thèse selon laquelle, l’actuel président de la République n’aurait pas encore totalement coupé ses liens politiques avec son prédécesseur, présenté à tort ou à raison, d’avoir été totalement anéanti sur le plan institutionnel, après avoir perdu tout le contrôle des leviers du pouvoir; à la suite de la chute de Mabunda de l’Assemblée nationale, de Thambwe Mwamba du perchoir du sénat ou encore de Sylvestre Ilunga Ilunkamba de la primature.
En plus de ce doute, on pourrait croire que le président Tshisekedi a privilégié un homme totalement acquis et qui ne lui ferait pas ombrage qu’un poids lourd de la politique qui lui ferait ombrage dans la perspective de 2023. Sous cet angle, le chef de l’Etat aurait sacrifié l’intérêt général pour le sien. Espérons que le nouveau promis relèvera les défis sécuritaires, économiques et sociaux de façon à faire taire toutes les critiques.
Quoiqu’il en soit, le président n’aura plus d’excuses cette fois-ci. Car, c’est lui seul qui aura décidé en autorité.
Grand Katanga : Grand bénéficiaire de l’Union sacrée ?
La plus riche des 26 provinces que compte la République Démocratique du Congo, le Katanga aura été la principale province qui a plus bénéficié de l’action politique sous le régime passé. Plusieurs ministères et entreprises importantes ont pour la plupart été confiés aux ressortissants de cette province. Actuellement , c’est encore la même province qui risque de raffler la mise avec la nomination du premier ministre et du directeur de cabinet du chef de l’Etat, tous issus du même espace géographique et air linguistique.
L’on retiendra également que cette nomination intervient 24 heures après l’incursion des assaillants de la milice Bakatakatanga. Serait-ce une stratégie montée pour justifier cette nomination ? Difficile à croire quand on sait que sous Ilunkamba, les mêmes sécessionnistes ont entrepris quelques actions du genre.
En tout cas, la nomination de Jean-Michel Sama Lukonde reste un dossier très sensible à gérer , au risque de diviser l’Union sacrée quand on sait que certaines sensibilités politiques commencent déjà à murmurer et d’autres n’hésitent pas à parler d’un manque de « sincérité politique » de la part de l’actuel chef de l’Etat qui aurait privilégié « ses propres intérêts » par des calculs politiciens que d’opérer un choix qui devrait garantir la confiance des acteurs impliqués dans le processus de la mutation politique actuelle , mais aussi et surtout au peuple congolais.
En attendant, le nouveau patron du prochain gouvernement devrait se déployer pour se faire découvrir par des actions afin de déjouer tous les mauvais pronostics qui s’annoncent contre sa nomination.
Constant Mohelo