Dans un entretien vendredi soir sur France 24, l’ancien Vice-président de la République Démocratique du Congo et président national du Mouvement de Libération du Congo (MLC), a passé en revue plusieurs questions d’actualité, notamment l’état de siège proclamé par le Chef de l’État, la nouvelle configuration politique avec la mise en place du gouvernement de l’Union Sacrée, sans oublier la place de son parti dans cette nouvelle équipe gouvernementale. Sous un même ton de rassembleur, pacificateur , doublé de son expérience politique avérée, l’ancien vice-président de la République aura convaincu une bonne partie de l’opinion. Et cela s’observe dans sa façon de répondre aux questions lui posées par l’une des chaines françaises les plus suivies au monde, France 24.
En effet, abordant en premier lieu la question relative à l’état de siège proclamé dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, le Chairman du MLC pense que cette mesure peut permettre de restaurer la paix dans cette partie de la République en proie à l’insécurité depuis deux décennies.
« L’état de siège pourrait être une des conditions qui permettraient un retour de la paix, de la sécurité dans toute la bande orientale du pays, les deux Kivu ainsi que l’Ituri. Ce qui se passe là-bas est innommable. C’est inhumain, le traitement que subissent les populations », a déclaré le leader du MLC.
Et de renchérir, « les cris des populations de l’Est de la RDC nous arrivent ici à l’ouest. Et nous sommes tous solidaires aux souffrances qu’elles endurent depuis des décades.
Pour moi, c’est donc une chance qu’on doit absolument saisir en mettant en place, dans le cadre de l’état de siège, les moyens nécessaires pour que l’armée puisse effectivement restaurer la paix et la sécurité ».
Concernant les inquiétudes de ceux qui craignent que le plein pouvoir accordé aux autorités militaires et policières – dans le cadre de cet état de siège – pourrait accentuer les violations des droits de l’homme dans le Nord-Kivu et l’ituri, Jean-Pierre Bemba Gombo préconise plutôt un certain nombre de mesures d’accompagnement pour réglementer cette période particulière.
« Cette mesure d’état de siège doit être assortie des mesures d’accompagnement portant notamment sur l’encadrement des troupes, surtout au niveau de la discipline. Il faudrait que la police militaire puisse être déployée et que les juridictions militaires soient également à proximité. Là-dessus, avec un code de conduite renouvelé et distribué à tous les militaires, qui devraient s’attendre à être sanctionnés en cas de crimes ou de violence vis-à-vis des populations. La justice militaire devrait donc être à proximité », a-t-il suggéré.
Évoquant le cas du général Constant Ndima, Gouverneur militaire de l’Ituri qui, selon une certaine presse, serait cité dans un rapport de l’ONU pour des massacres qui auraient été commis entre 2002 et 2003 dans la région, à l’époque de la rébellion du MLC , Jean-Pierre Bemba Gombo a révélé que cet officier de l’armée n’avez pas participé à ces événements, tout en invitant les différentes juridictions à mener des enquêtes sérieuses pour prouver la véracité des faits allégués.
A la question de savoir ce qu’il pensait de la participation des troupes étrangères, notamment rwandaises et kényanes dans la guerre contre les groupes armés à l’Est de la RDC, le Chairman Bemba répond en ces termes :
« Bien sûr, la priorité aurait voulu que, entre congolais et avec un bon encadrement, équipement, encouragement des forces armées, je pense qu’on aurait pu peut-être obtenir quelque chose. Mais, certainement que les éléments dont dispose le Haut commandement militaire font qu’il faut attendre un peu pour voir ce que va être leur participation dans les opérations militaires. D’autant plus que maintenant, on a pas encore d’éléments precis là-dessus.
Concernant particulièrement les troupes rwandaises dont l’éventuelle participation dans le théâtre des opérations est un sujet très sensible en RDC, il n’en voit pas d’inconvénients si cela se fait dans le cadre d’un accord entre États et si, par ce moyen, « on peut avoir la paix et éviter les massacres et les morts au quotidien dans cette zone importante du pays. Je dirais, alors utilisons tous les moyens pour pouvoir éradiquer définitivement cette zone d’insécurité », a soutenu Jean-Pierre Bemba Gombo.
Sur le chapitre politique, est-ce la fin de la coalition Fcc-Cach et l’émergence de l’Union Sacrée signifie-t-il que la page Kabila est définitivement tournée en Rdc? Absolument pas, répond l’ancien Vice-président de la Rdc
« Je pense qu’on ne peut jamais dire qu’un homme politique est définitivement fini. J’en sais quelque chose. La nouvelle vision qui s’est mise en place avec des acteurs politiques importants comme Moïse Katumbi et moi-même, était une opportunité, l’occasion de pouvoir amener autre chose et on a opté pour la stabilisation des institutions plutôt qu’une confrontation de celles-ci ».
Quant à la participation de son parti au gouvernement Sama Lukonde, avec seulement 3 membres sur une équipe gouvernementale de 56 membres, le Président national du Mlc pense que « le plus important, c’est d’aller de l’avant, de trouver des solutions pour les populations qui ont de sérieux problèmes, notamment sécuritaires et socio-économiques ».
Au sujet de sa présence au gouvernement, selon le vœu du Chef de l’État, le Chairman Jean-Pierre Bemba a expliqué que sa non-participation au gouvernement était « un choix personnel et qu’au sein du Mlc, il y a de nombreux cadres. Et c’est l’occasion pour ces cadres de participer à la gestion du pays à travers les départements ministériels »
Enfin, Jean-Pierre n’a pas échappé à la question relative à son éventuelle candidature lors des prochaines élections prévues en 2023, lui qui avait été empêché d’être candidat en 2018.
« Je crois que, avec les difficultés que traverse le pays, l’état d’insécurité qu’on connait, les morts qu’on compte chaque jour, ce n’est pas le moment de parler de mon avenir Personnel concernant les élections. Chaque chose sera examinée en son temps. Le moment venu, on vous avisera », a-t-il fait savoir. Cette interview est la deuxième qui intervient dans un espace de deux semaines après celle accordée au magazine Jeune Afrique.
Jean-Romance Mokolo Mololo