La République Démocratique du Congo, dit-on, est un scandale géologique; par la diversité et la quantité de ses minerais. Un pays riche en ressources du sol et du sous-sol mais étrangement l’un des pays les plus pauvres du monde. Plus de 80% de sa population a un revenu inférieur à 2$ par jour. C’est un paradoxe que 61 ans après l’indépendance aucun régime politique n’a su renverser.
Si le pouvoir de Mobutu a pu à ses débuts relever le défi grâce à l’Union Minière du Haut Katanga, l’excessive soif du pouvoir de son régime – sans vision claire – avait replongé le pays dans la pauvreté après des années 1970 glorieuses.
Sol et sous-sol riche, pays pauvre
À l’époque du Zaïre, sous le Maréchal Mobutu, la seule entreprise GECAMINES – sur laquelle reposait le poids du pays – avait une production annuelle représentant 60 à 70% des revenus de l’État Zaïrois. Ce n’est pas nous qui le disons, c’est l’histoire économique et financière du Zaïre qui en témoigne.
Pas plus tard que le 14 avril 2018, à l’issue de la conférence tenue au Conseil Atlantique à Washington, Albert Yuma -le président du conseil d’administration de la GECAMINES et Président de la FEC – déclarait ce qui suit pour motiver la réforme du code minier : » Quand la GECAMINES était le seul producteur, elle produisait près de 500 000 tonnes par an. Elle représentait 60 à 70% des revenus de l’Etat. Aujourd’hui, avec le code minier de 2002, on a cédé nos mines et on a produit plus de 1 million de tonnes. Et ces entreprises internationales ne contribuent même pas à 20% du PIB de l’Etat congolais ».
Pendant plusieurs années, pour Albert Yuma, les miniers n’ont pu contribuer qu’à hauteur de 5% dans le budget de l’État. Il ressort clairement que depuis le départ du Maréchal Mobutu, le pays ne bénéficie pas de ses ressources minières données en gestion à des privés.
Le secteur minier est marqué actuellement par une forte présence chinoise et représente, avec le secteur pétrolier, 90% des exportations du pays. 80% de la production du cuivre est fournie par 12 producteurs, pour la plupart aux mains des groupes chinois; 6 producteurs de cobalt assurent 80% de la production.
Et malgré tout, la République Démocratique du Congo occupe le 8ème rang des pays les plus pauvres au monde et n’a rempli jusqu’à présent aucun objectif du millénaire.
En 2018, le secteur minier a généré 1,57 milliard de dollars des recettes publiques, selon le Ministère des Finances; ce qui reste faible en terme de pourcentage au budget de l’État, comparativement aux années Zaïre.
Raison pour laquelle les réformes sont nécessaires et pour y arriver, il faut des décisions courageuses pour que les ressources naturelles profitent au pays et à son peuple.
Réformes minières et statut quo…
Vers les années 2000, et malgré les rébellions, la RDC a amorcé des réformes dans le secteur des mines. Cette succession de réformes du secteur minier Congolais était mis en place alors que ce secteur restait encore enclavé et peu contrôlé par Kinshasa.
En dépit des réformes engagées, le bilan des années – suivant l’adoption de la nouvelle loi minière et la refonte des institutions – est demeure contrastant. Faute d’une politique tenant compte des spécificités nationales, toute les tentatives de rénovation ont été vouées à l’échec. Ainsi la période de la transition de 2003 à 2006 s’est caractérisée par une multitude d’entorses faites à la loi minière . Dans le Katanga comme au Kasaï, d’importants contrats léonins ont été signés avec les multinationales.
Les engagements pris et élaborés sous forme de partenariat économique (joint-venture) ont concédé la plus grande part de nos ressources minières et mobilières – détenues par les sociétés de l’État – à des investisseurs privés tels, Dan Gertler. Le tout a été entrepris avec opacité inquiétante, loin des principes de bonne gouvernance. Les conséquences – on peut bien s’en douter – sont lourdes pour l’État congolais. Dans une soixantaine de grands contrats, l’État Congolais est manifestement lésé. Il a cédé la plus grande part des profits aux entreprises multinationales occidentales.
Le Ministère des Mines prendra à cet effet, vers les années 2012, un certain nombre de décisions dont la révision du code et règlement minier. Ce qui pourrait changer certaines dispositions fiscales de manière à augmenter nos recettes publiques. La seconde décision importante prise était l’obligation faite aux entreprises minières de transformer sur place pour une valeur ajoutée mais aussi d’utiliser la sous-traitance locale.
Le Code Minier promulgué en 2018, de l’avis de plusieurs investisseurs, a été peu favorable aux entreprises étrangères. Ce code prévoit la suppression de la clause de stabilité de 10 ans, une augmentation des participations de l’État dans les sociétés d’exploitation, un nouveau calcul des redevances, une fiscalité moins avantageuse pour les entreprises minières, une taxe sur les super profits, des obligations de rapatriement de devises accrues et des possibilités de sous-traitance locale. Et malgré tout, le secteur minier peine à renflouer les caisses de l’État Congolais.
Il apparaît clairement que les objectifs de rationalisation dans ce secteur nécessite le recours à des fonctionnaires formés, accompagnés par un gouvernement porteur d’une véritable politique nationale et non régionale. Ce qui n’était pas le cas autrefois, car les katangais, du moins l’élite au niveau national, s’étaient arrangés à kantanganiser (ndlr regionaliser la gestion du secteur minier) la gestion du secteur minier même au détriment de leur propre population.
« Katanganisation » des Mines, frein au développement et à l’émergence
Après le gouvernement de la transition dit de 1+4, la gestion du Ministère des Mines, avec la bénédiction de Joseph Kabila est passée entre les mains de katangais. De Martin Kabwelulu à Willy Kitobo Samsoni, 14 ans de règne opaque katangaise au Ministère des Mines.
Toutes les directions des établissements publics, sous tutelle du Ministère des Mines, seront également confiées aux seuls katangais. Est-ce une simple coïncidence que durant toutes les années du règne Kabila et les deux premières années de Félix Antoine Tshisekedi, les katangais s’imposent en gestionnaires des ressources minières du Congo ? Du Cadastre Minier aux autres Établissements, les gestionnaires sont presque tous ou presque originaires du Katanga. C’est le cas de le dire avec Martin Kabwelulu, Willy Kitobo, Jean-Félix Mupande, Pascal Nyembo…
Une situation qui fait tarauder les esprits de certains analystes politiques.
« (…)ce qui me choque ce que ça soit des Katangais qui fassent ça. C’est Kabila, c’est Yuma, c’est Katumba Mwanke… qui ont détruit la Gecamines. Que cela soit fait par d’autres personnes, on comprendrait, mais pas par les Katangais eux-mêmes… Je crois qu’à un moment, il faut que la République demande des comptes aux gens », déplorait un analyste.
Au-delà de la régionalisation de la gestion du secteur minier, les katangais sont ceux qui, après le règne de Mobutu, se sont appropriés seuls la gestion des ressources minières au profit de quelques individus. Ils sont connus de tous. Ce n’est un secret pour personne, que plusieurs parmi eux sont devenus des millionnaires au détriment même de leurs propres frères katangais.
Si le nouveau code minier n’a pas pu renflouer les caisses de l’État, il a néanmoins renflouer les poches d’une élite katangaise égoïste qui ne vibre qu’au nom du « Katanga Yetu ».
Aujourd’hui encore, le Premier Ministre Jean-Michel Sama Lukonde ne semble pas échapper à cette réalité tribalo-clanique. Des sources qui se sont confiées à politiquerdc.net sous le sceau de l’anonymat, affirment que devant le Chef de l’État, le chef du gouvernement aurait plaidé pour obtenir le report de la remise et reprise au Cadastre Minier le weekend passé. Un report qui cache mal la volonté de la fratrie katangaise de maintenir son contrôle sur la gestion des Mines du Congo pour que la vérité ne soit pas mise à nue, pensent certains observateurs avertis.
Alain St. Bwembia