Au lendemain du coup d’État ayant conduit à la destitution du Président guinéen, Alpha Condé, par les forces spéciales, sous la conduite du Colonel Mamady Doumbaya, les spéculations vont bon train sur les causes de ce coup de force.
Et dans pareille situation, les théories du complot fusent de partout. Selon certains africanistes, c’est l’ancienne puissance coloniale, la France, qui aurait commandité cette action pour punir Alpha Condé de « s’être opposé au groupe Bolloré pour le marché du port de Conakry et pour avoir cédé aux chinois – par procédures opaques – les contrat miniers de la beauxite ». Une thèse qui serait confortée par le fait que le Chef des putshtistes, le Colonel Mamady Doumbaya, est un ancien militaire de la Légion étrangère française et que les forces spéciales, ayant renversé Alpha Condé, est une unité d’élite entraînée et équipée par la France.
Au-delà de cette théorie complotiste, les analystes sont unanimes pour expliquer le putsch militaire contre le Président guinéen par sa mauvaise gouvernance économique, sociale et démocratique du pays. Une thèse que partage le Professeur de droit constitutionnel, Jacques Djoli, qui pointe – dans une page sur Facebook, « les deliquances constitutionnelles et électorales générées par le syndrome de monopolisation, de conservation ou de confiscation atavique du pouvoir en Afrique ont notamment pour conséquence cette pathologie putshiste ».
En termes simples, il faut noter que le Président Alpha Condé est victime de sa propre turpitude, en instaurant un régime dictatorial et oppressif alors qu’il s’est battu pendant quatre décennies contre la dictature de ses prédécesseurs. Il a été, comme beaucoup d’anciens opposants africains, adepte de la politique de « ôte-toi delà que je m’y mette pour que je fasse la même chose que toi ou pire que toi ».
C’est donc le fait de changer la constitution de son pays en 2020 pour s’octroyer un troisième mandat illégitime à travers des élections gagnées d’avance qui explique le putsch militaire contre lui. Et la liesse populaire qui a suivi l’annonce de sa mise à l’écart a démontré à suffisance combien les guinéens ont été déçus par la Gouvernance du premier Président démocratiquement élu de la Guinée-Conakry. Alpha Condé a deçu plus d’un démocrate. Beaucoup d’analystes n’arrivent pas à s’expliquer comment un vieil opposant, qui s’est battu de décennies durant contre la dictature et pour le changement de gouvernance de son pays, est-il devenu lui-même autocrate au point de changer la constitution pour s’éterniser au pouvoir ?
La page Alpha Condé étant tournée, les guinéens doivent maintenant se battre pour que la nouvelle junte militaire guinéenne ne ressemble pas à celle dirigée par Moussa Dadis Camara, qui avait pris le pouvoir le 22 décembre 2008, après la mort du dictateur Lansana Conté et qui s’était illustré par la répression de l’opposition et le massacre des civils dans le stade de Conakry, le 28 septembre 2009.
Bien que le nouvel homme fort de la Guinée, le Colonel Mamady Doumbaya, ait promis une transition inclusive sans chasse aux sorcières, les analystes pensent qu’il sera jugé aux actes, comme on juge le maçon au pied du mur.
Il faut espérer que les nouveaux libérateurs ne vont pas se transformer en oppresseurs du peuple guinéen, comme ce fut le cas de l’Afdl pour les congolais de la Rdc, après la chute du Maréchal Mobutu en 1997.
Quant à ceux qui font un rapprochement entre la situation qui a prévalu en Guinée avant le coup d’État contre le Président Alpha Condé et la situation politique actuelle en Rdc, il faut reconnaître que, comparaison n’est pas raison, nous sommes en face de deux contextes tout à fait différents. En effet, le Président de la Rdc, Félix-Antoine Tshisekedi, n’aura même pas besoin de modifier la constitution pour conserver le pouvoir au sommet de l’État. D’autant plus qu’il est dans son premier mandat et qu’il a encore droit de se représenter pour un second mandat en 2023.
En outre, tout congolais épris de paix pensent que les congolais gagneront à attendre les prochaines élections pour espérer une éventuelle 2ème alternance démocratique au sommet de l’État, au cas où les électeurs congolais ne renouvellaient pas le bail de l’actuel chef de l’État au Palais de la Nation. La RDC étant un État très fragile, un « Failed State », selon le vocabulaire américain, les congolais n’ont donc aucun intérêt à vouloir encourager des schémas susceptibles d’enfoncer davantage le pays dans la violence. Les affres de la guerre importée par l’Afdl, cheval de Troie des envahisseurs étrangers, doivent les en dissuader, pensent les analystes.
Grosso modo, tant qu’il y aura des coups d’État constitutionnels, électoraux, nous assisterons encore aux coups d’État et autres putschs militaires en Afrique.
JR.Mokolo