« Le rôle et responsabilité de l’intellectuel congolais face au péril de la nation » , c’est l’intitulé d’un colloque organisé à Liège en Belgique – du 22 au 23 septembre 2018 .
Ces assises de deux jours ont connu la participation de plusieurs congolais venus de différents pays d’Europe, mais aussi des États-Unis d’Amérique.
Les intervenants ont chacun abordé la question sur un angle correspondant à sa discipline de prédilection.
Premier à prendre la parole, le professeur Maindo de l’Université de Kisangani a centré son exposé sur :
Face au péril de la Nation, l’intellectuel congolais est appelé, en tant que détenteur d’informations, de relever le défi d’une société en passe de disparaître.
Utilisant l’image de la PCR (police de circulation routière) qui passe son temps à racketter au grand jour l’automobiliste à Kinshasa, il a démontré que les régimes qui se sont succédés ont fonctionné comme un vaste corbillard, chargé de conduire le peuple congolais (dépouille) au cimetière et se faire payer. *PCR* devient » prédation, corruption et répression »
D’après l’orateur, la RDC est devenue un véritable enceinte nécropole, la négation des droits humains. Le cimetière qui porte ce nom est révélateur, entre ciel et terre. Le pays est suspendu dans le vide et on attend d’annoncer son décès officiel. Le professeur Maindo en veut pour Illustration :
– L’insécurité est utile au régime pour s’imposer par la terreur, faute d’un bilan positif
– au lieu d’entretenir les routes, on préfère acheter les 4X4,
– faute des institutions hospitalières, on évacue les caciques du régime à l’étranger et le peuple est abandonné à son triste sort,
– face à un système éducatif déficitaire, les enfants des tenants du pouvoir sont envoyés à l’étranger.
Face à ce constat, l’intervenant estime donc qu’il convient de développer les 7 principes suivants:
– la loyauté : jamais trahir le Congo,
– le vouloir vivre ensemble quelles que soient nos différences,
– l’exaltation, la ferveur de la Nation et le don de soi,
– la compassion et l’amour de son pays et des compatriotes
– l’esprit de rassemblement, pas celui de division ou d’exclusion,
– le respect de l’ordre constitutionnel et institutionnel
– l’amour de l’humanité, de l’homme et bannir le culte de la personnalité ou celui du chef.
Le devoir de l’intellectuel est d’informer ses concitoyens et de leur proposer les pistes de solution pour conjurer le sort mortel qui nous guette.
Le deuxième intervenant, le professeur Kanganda de l’Université de Bukavu a examiné le rapport possible entre l’élection et le conflit en RDC.
En effet, l’orateur défini « élection » comme le mode consensuel et plus acceptable d’accès au pouvoir. L’objectif poursuivi étant de permettre au peuple de se choisir ses représentants.
Quand élections sont très bien organisées, vu sous cet angle, elles suscitent moins de contestations et évitent les conflits entre groupes humains. Leur issue dépend du schéma conçu. C’est à l’intellectuel qu’il appartient de concevoir un schéma qui répond aux exigences de légitimité. Vue sous cet angle, l’intellectuel est débiteur d’une obligation : la redevabilité. Cette dernière consiste à rendre compte du pouvoir qu’il a reçu.
Mais en RDC, souligne le professeur Kanganda , au lieu de garantir la paix, l’élection contient le germe de conflits et c’est de la responsabilité de l’intellectuel, car il a abusé du mandat hérité du peuple. D’où sa mise en cause et son procès.
De son côté, le professeur Noël Mbala , ancien Ministre congolais des travaux publics, qui sejourne depuis 20 ans en Angleterre,
a axé son intervention sur le changement de paradigmes.
Il est parti du constat des corrélations négatives des faits observés qu’il a désignées de corrélations fatales.
Il s’étonne qu’il y ait en RDC, plus de décès alors que le pays regorge de médecins, plus d’injustice alors qu’on a plus de juristes, plus d’insécurité devant un effectif important de militaires et policiers, plus de confusion face à un parterre de connaisseurs.
Veritable paradoxe, et donc pour cet intervenant, il y a donc un problème d’efficience ou d’adéquation. Le tout commence dans la définition des objectifs à atteindre. Tout part de l’inversion de la démarche. On désigne d’abord l’homme avant de décrire le poste. Ainsi, dans la mentalité congolaise, il y a deux réflexes renchérit-il.
– réflexe messianique consistant à croire qu’il y a une personne exceptionnelle, chargée d’une mission de sauver le Congo. Placé au piédestal, ce messie est à l’abri de toute interrogation, il est déifié et celui-ci finit par croire qu’il détient la clé de la porte du paradis. Et pourtant, cet individu est inexistant
– réflexe de vedettariat: le leader politique, devenu messie, est dispensé de toute explication sur l’orientation de sa politique, il cherche sa popularité par l’achat de conscience.
Le changement de paradigmes consiste à concevoir une administration publique qui soit le socle de l’État.
« Les animateurs des institutions viendront juste appliquer les objectifs assignés à chaque poste, plutôt que de mettre les institutions au service d’un homme. C’est un contrat social dont le renouvellement est tributaire du résultat.
Le rôle de l’intellectuel est de mettre sa compétence et sa renommée à la poursuite d’une cause noble et au service de la collectivité nationale. Il doit être capable de résister aux influences insusceptibles de transformer positivement sa société », à conclu le professeur Noël Mbala.
D’après maître Jean K.Minga, consultant de politiquerdc.net qui a pris part à ce colleque de Liège, l’initiative a été positivement saluée par plus d’un participant. Tout le monde aura souhaité que ce forum soit régulièrement renouvelé.
Il ajoute que des recommandations stratégiques ont été formulées à l’issue de ce colloque , dans le but de sauver la RDC de la situation qu’elle traverse actuellement.
Rédaction