Ils sont estimés à plus ou moins 7 millions de congolais vivant en dehors des frontières nationales de la RDC. Tous devront en principe participer au vote du prochain président de la République Démocratique du Congo qui doit succéder à Joseph Kabila, constitutionnellement interdit de briguer un troisième mandat.
Cependant, pour prétendre avoir le droit au vote du nouveau président, ces plusieurs millions de Congolais doivent avant tout être enrôlés par la commission électorale nationale indépendante, CENI en sigle.
Justement, le point 12 du calendrier électoral publié le 5 novembre 2017 par la CENI, fixe l’enrôlement des congolais de la diaspora à partir du 1 juillet au 28 septembre 2018, soit 90 jours.
Mais, à 2 mois et 15 jours de cette date, aucun indice sérieux n’indique que cette opération pourrait se tenir dans le délai prévu dans le calendrier électoral ; on ne sent pas des préparatifs techniques à la hauteur de cette opération qui s’annonce à la fois très couteuse, et complexe à réaliser. Car, concrètement, la CENI doit procéder, notamment à l’identification des sites dans les pays d’accueil de ces congolais ,et le déploiement des kits d’enrôlement de Kinshasa vers les différentes chancelleries congolaises, mais aussi le déplacement des techniciens électoraux. Tout ceci s’annonce compliqué dans un processus où le décaissement du budget des élections patine du côté du gouvernement. Ce dernier qui rejette malheureusement, tout financement extérieur des partenaires de la RDC.
Alerte du président de la CENI
Lors d’une rencontre avec quelques responsables des médias au mois de janvier 2O18 à Kinshasa, le président de la centrale électorale, reconnaissant tout de même le droit constitutionnel des congolais de l’étranger de participer aux élections, avait émis l’idée selon laquelle , au regard de la complexité de cette opération, il était donc souhaité selon lui qu’une option politique soit levée, notamment au niveau du parlement. Corneille Naanga est dernièrement, au cours d’une sortie médiatique à Kinshasa, revenu sur la même idée. Pour lui, les parlementaires devraient réfléchir très objectivement sur cette affaire d’enrôlement de congolais de l’étranger surtout, sur les contraintes techniques face à l’impérative exigence du respect de la date des élections prévue au 23 décembre 2018.
Même si le président de la CENI ne s’est jamais prononcé officiellement contre l’impossibilité de réaliser cette opération conformément au chronogramme déjà établi, ses propos sonnent comme une alerte à l’endroit de la classe politique. On peut facilement déduire qu’au lieu d’attendre le jour-J, Corneille Naanga voudrait tout simplement anticiper pour que tout soit décanté préalablement en amont. Ceci éviterait une nouvelle crise au pays, pensent certains analystes politiques.
Enrôlement de la diaspora, un prochain obstacle pour la présidentielle de 2018 ?
Généralement, la classe politique congolaise dont l’opposition en tête se réveille souvent en retard. Elle n’arrive pas à anticiper les évènements.
En témoigne le silence radio observé sur cette hypothétique question d’enrôlement de la diaspora congolaise.
En effet, l’alerte lancée plus d’une fois par le président de la CENI, semble être ignorée pour le moment par la Majorité, l’opposition, voire la société civile. Personne n’a le courage de se prononcer clairement sur la question. Evidemment pour des raisons politiques, tout le monde se réserve et fait semblant de s’attacher à ce qui est prévu dans le calendrier de la CENI ; c’est-à-dire l’enrôlement de la diaspora. Cette dernière qui a été par ailleurs, toujours hostile au régime de Kinshasa, semble elle aussi muette sur la question.
Faudrait-il maintenir l’enrôlement de la diaspora congolaise si l’on tient à la tenue, notamment de la présidentielle au 23 décembre ?
Selon le calendrier électoral de la CENI, les congolais de la diaspora auront uniquement droit au vote pour l’élection présidentielle ; ils ne seront pas concernés par les législatives nationales et provinciales, et pourtant, tous les trois scrutins devront être organisés le même jour. En clair, s’il faut s’en tenir au calendrier actuel, sans l’enrôlement des congolais de l’étranger, il n’y aurait pas élection au 23 décembre. Et, c’est cela tout le danger que l’on peut craindre pour la suite des évènements. Pour certains analystes de la société congolaise, les contraintes techniques d’« expérimentation » du processus d’identification et d’enrôlement des congolais de l’étranger, pourraient servir d’une brèche pour solliciter le report de la présidentielle au cas où la classe politique continuerait à faire fi à la sonnette d’alarme tirée par la CENI qui semble incapable à accomplir cette opération dans le délai initialement annoncé.
Certes, une question sensible, mais celle-ci appelle à une sagesse politique responsable et courageuse qui passerait par une campagne de sensibilisation préalable de ces millions de congolais privés de leur droit de vote depuis les élections de 2006.
Jean Médard LIWOSO