Soucieuse des millions et des millions des dollars américains qui échappaient à l’Etat Congolais suite aux différentes formes de fraude minière dans la partie Est du pays avec l’exploitation illicite des minerais dits minerais des conflits, le gouvernement congolais a mis en place un mécanisme pour décourager et mettre fin à la fraude minière dans l’industrie extractive en République Démocratique du Congo. Plus précisément dans la partie Est du pays. Il s’agissait du certificat CIRGL que le gouvernement congolais à travers l’entreprise de tutelle du ministère des mines, le Centre d’Evaluation, d’Expertise et de Certification des substances extractives et semi extractives (CEEC) a mis en place pour combattre la fraude minière et maximiser les recettes dans ce secteur des mines. Mais, cinq ans après, l’objectif poursuivi semble être loin d’être atteint…
Le 24 Juillet 2013, le ministère des mines en collaboration avec le CEEC, a lancé le certificat CIRGL lors d’une conférence qui s’était tenue au salon Congo de Pullman Hôtel. Ce certificat qui avait pour but de mettre fin à l’exploitation illicite des minerais congolais dits de trois T, Tin (étain), Tantale (le coltan) et Tungstene (le Wolframite) dans l’espace CIRGL. Pour le gouvernement, il était question d’assurer l’accès de ces minerais au marché international en conformité avec les critères fixés par la CIRGL, le guide de l’OCDE sur le devoir de diligence et l’ONU, en garantissant leur provenance à partir des sites qualifiés et validés « verts » de la RDC. Ceci dans le but d’éliminer les minerais de conflit dans la chaîne d’exploitation, d’approvisionnement et de commercialisation.
La RDC voulait ainsi répondre aux exigences des fonderies appliquant le programme CFS (Conflict Free Smelter) et aux utilisateurs finaux des industries électroniques et mobiles en certifiant la provenance de ces minerais selon les standards internationaux et régionaux. L’idéal étant dès la mise en circulation de ce certificat, aucun lot de minerais des trois T et de l’or ne devrait être exploité s’il n’était accompagné de certificat CIRGL/RDC délivré par les autorités de certification. Il sied de signaler que ce certificat a été élaboré avec l’appui des partenaires du ministère des mines en matière de protection et de sauvegarde des sites miniers, tels que les institutions allemandes GIZ et BGR.
Le lancement de ce certificat est intervenu après la certification du diamant congolais par le processus de Kimberley en 2003 pour lutter contre l’exploitation illicite du diamant congolais dans le contexte du conflit armé qui déchirait le pays. Pendant la même période, il y avait également le diamant d’Angola qui se plaçait dans la vitrine des diamants dits du sang. Le certificat Kimberley certifiait que le diamant issu en République Démocratique du Congo ne provenait pas des zones des conflits. Autre élément important dans cette certification des minerais dits des trois T en RDC était que la décision venait quelques années après l’adoption de Dodd Frank law par le sénat américain pour combattre la fraude dans plusieurs domaines.
L’idéal était que tout minerai en provenance de la RDC non certifié ne puisse trouver des preneurs au marché international. Mais déjà, la question de contrefaçon se posait dans les milieux miniers. L’opinion se demandait s’il était impossible ou difficile d’imiter ce certificat. A ce sujet, monsieur Alexis Mikandji Epenge, Directeur Général du CEEC a rassuré qu’il était impossible voire inimaginable de pouvoir produire une contrefaçon de ce certificat, à cause des mesures de sécurité ou gage contenus dans celui-ci. Mais, même si avec le temps, ce certificat n’a pas pu être contrefait, il n’a pas su néanmoins mettre fin à l’exploitation illégale des minerais dans la partie Est du pays où se trouvent les minerais dits des trois T comme cela était l’idéal, notamment le Coltan, le caciterite et le wolframite.
Sur terrain, le directeur provincial du CEEC à Goma, monsieur Daniel Mbeya ne cesse de dénoncer les activités minières illicites qui sont devenues depuis belles lurettes un sport collectif dans les territoires de Masisi, Walikale dans la province du Nord Kivu.. Les entreprises minières régulièrement enregistrées au ministère des mines qui exploitent normalement et légalement les minerais dits de trois T dans la province du Nord Kivu et qui payent régulièrement leurs taxes et royalties à l’Etat, ne cessent de se plaindre de l’envahissement des irréguliers aux carrés miniers et elles n’ont pas réussi jusqu’à ce jour à proposer au gouvernement congolais des pistes pour combattre et vaincre ce fléau de l’exploitation illicite dans leurs zones d’exploitation.
Du côté du CEEC, Daniel Mbaya a révélé à la presse au mois de Décembre 2017, différentes sortes de fraudes minières ou encore comment des individus réussissent à sortir avec des produits miniers de ces territoires malgré les multiples barrières policières placées dans plusieurs endroits vers la route. Des femmes mettent des produits dans leurs mèches, ou encore dans les vêtements de leurs enfants qu’elles portent au dos, d’autres cachent des produits dans les réservoirs de leurs motos, les véhicules des ONG de développement qui opèrent à l’Est, des véhicules exemptés de contrôle suite aux accords internationaux, etc.
Au mois de Décembre 2017, un véhicule de Graben Security qui est une entreprise de gardiennage et de sécurité qui offre ses services de protection et de surveillance à plusieurs entreprises et industries au Nord Kivu, a été arrêté avec des minerais dans le coffre. Saisi, les produits étaient acheminés au parquet de Goma. Mais les responsables de cette entreprise niaient farouchement la connaissance de cette activité. Mais malgré cela, une seule chose reste à retenir, des produits miniers étaient trouvés dans ce véhicule portant le logo de Graben Security.
Lors de la fermeture de l’Assemblée Provinciale du Nord Kivu le 15 Décembre 2017, le gouverneur de la Province, monsieur Julien Paluku Kahongya avait révélé dans une interview accordée à la presse que, le degré de la fraude minière dans sa province dépassait sa compétence. Pour lui,certaines personnes qui avaient des parapluies solides au niveau de Kinshasa, que lui le gouverneur, étant le numéro 1 de la province ne pouvait pas arrêter.
« Nous devons saisir Kinshasa pour que dans l’avenir personne ne soit intouchable et que tout le monde qui tomberait dans la fraude minière soit poursuivi et condamné », avait déclaré Julien Paluku. Dans la fraude minière à l’Est et plus précisément dans le Nord Kivu, tout le monde y est impliqué. Une certaine frange de la société civile suggérait que l’on ne puisse plus avoir des véhicules qui soient exemptés des contrôles aux barrières sous des prétextes quelconques. Dans cet ordre d’idée, la presse de Goma a demandé au gouverneur de la province s’il était possible de contrôler également les mouvements des véhicules des Nations Unies ou des représentations diplomatiques. Sur cette question, le gouverneur a fait savoir que selon les traités internationaux, on ne peut pas contrôler les véhicules diplomatiques dans ce contexte.
Ceci n’est un secret pour personne que les minerais exploités frauduleusement au Nord Kivu vont au Rwanda et en Ouganda. Au niveau des frontières du Nord Kivu avec les pays voisins, malgré la présence de plusieurs services de sécurité sur place, la fraude minière semble être loin d’être combattue. Un agent de la police des frontières, l’unité que le gouvernement a placé pour combattre les fraudes des marchandises et permettre à la DGDA de maximiser ses recettes douanières, a révélé que l’entité qui constitue un obstacle pour la police des frontières à bien remplir ses taches complexes de contrôle parait, à la grande surprise de tous, la DGDA. Car, a-t-il poursuivi, nombre des containers en provenance du Rwanda ont souvent été exemptés des contrôles douaniers suite aux ordres venant de la hiérarchie. En réalité, l’Etat a placé plusieurs services aux frontières, entre autres la DGM, la DGDA, l’ANR, les Services Spéciaux de la PNC, la DEMIAP, la police des frontières et d’autres services secrets que l’on ignore.
Mais quant à la fraude minière, il y a encore beaucoup à faire. On peut ajouter à ce phénomène, la présence de nombreux groupes armés d’origine Rwandaise et Ougandaise qui font également la loi dans certains territoires des provinces de l’Est, les plus connus, les mystérieux ADF Nalu de l’Ouganda, les FDLR du Rwanda, les FRPI du Burundi, qui, eux aussi ne vivent que des trafics des minerais qu’ils obtiennent à bout de canon. Lors de la présentation de ce certificat CIRGL qui a théoriquement connu le soutien du Rwanda et de l’Ouganda, le ministre des mines de ce pays a déclaré à la presse que le temps allait venir où toutes les forces armées de la région allaient se converger pour neutraliser une fois pour toute, tous ces groupes armés d’origine étrangère qui terrorisent les populations de l’est de RDC. Le ministre parlait du temps de désarmement volontaire ou forcé des groupes armés, ou encore de l’usage de la force dans l’hypothèse où ces groupes armés refuseraient de se rendre ou de déposer les armes.
Cinq ans après, l’on constate tout simplement que rien n’a été fait au niveau régional pour éradiquer tous ces groupes armés qui augmentent l’insécurité à l’Est de la RDC et qui survivent de l’exploitation illicite des minerais ainsi que des kidnapping et des rançons qu’ils exigent après l’enlèvement de certains commerçants. Du côté de des forces armées, les opérations militaires Sukola I ou II semblent n’avoir pas encore atteint le zénith de leurs performances militaires contre tous ces groupes armés comme cela a été le cas avec le M 23. Dans les opérations militaires menées contre ces bandits armés, à l’occurrence les ADF Nalu par exemple, les experts en la matière parlent d’une guerre asymétrique où l’ennemi est mobile et sans bastion fixe.
Isaac Ngwenza Ebongo