« Honorable Président, Monsieur le ministre peut-il rendre disponible l’accord de 2005 à la représentation nationale? », voilà toute la question soulevée par la députée Eve Bazaiba Masudi lors de la plénière de ce mercredi 4 avril 2018 à l’Assemblée nationale , plénière consacrée à l’audition du ministre national de l’environnement venu éclairer les députés nationaux sur la position officielle du gouvernement relative à la problématique du projet de transfèrement des eaux de la rivière Ubangi vers le lac Tchad.
Pour Eve Bazaiba qui déplore un certain « mutisme » du gouvernement frisant une certaine irresponsabilité au regard de l’évolution de ce dossier, le projet dont question vise selon elle à soustraire une partie de débit de plusieurs rivières du Nord-Est de la RDC, à environ 600m d’altitude. Il s’agit déclare la députée MLC, des rivières Ubangi, Arwimi,Lindi et Lowa. Le volume de prélèvement prévu serait de 100 mètres cubes d’eau annuellement, c’est-à-dire plus ou moins 3150 mètres cubes par seconde. Ceci équivaut à en croire Eve Bazaiba, à deux fois le débit annuel du fleuve Nil ; supérieur à la moitié du volume d’eau produit en France, et supérieur également à celui du fleuve Rhin.
Et d’ajouter, outre la stabilisation de la surface du Lac Tchad, le canal une fois construit, sera suffisant pour irriguer 6 à 7 millions d’hectares et produirait 30 à 35 milliards de KWh d’électricité par an. L’évolution de ce projet renseigne sur le deuxième qui consiste au transfert des eaux de la rivière Ubangi vers le lac Tchad. Pour y parvenir, il fallait donc convaincre la RDC. D’où pour cette députée de l’opposition, la République Démocratique du Congo aurait déjà marqué son accord depuis 2005 à travers les signatures conjointes des Présidents Joseph Kabila pour la RDC, Idris Deby pour le Tchad et François Bozize pour la RCA.
Rapporteur de la commission d’éveil mise en place pour cette affaire de transfèrement des eaux congolaises, tout en dénonçant le fait que l’Assemblée ne leur avait pas donné l’occasion de présenter les conclusions de leur travail depuis plus d’une année, Eve Bazaiba qualifie le projet TRANSAQUA d’un « complot » contre la RDC, dans la mesure où malgré les propositions intermédiaires visant à renflouer le Lac Tchad, les pays de la CBLT, Commission du Bassin du Lac Tchad auraient même déjà crée une armée sous régionale pour la protection du Lac Tchad. D’où la nécessité selon Eve Bazaiba de disponibiliser à la représentation nationale, le fameux « accord secret » qui aurait été signé en 2005 entre les trois pays pour s’inspirer de son contenu et décider en toute responsabilité. Mais en attendant, elle insiste sur l’application de la loi n° 15 /026 du 31 décembre 2015 relative à l’eau en vigueur en RDC.
Dans ses explications, le ministre de l’environnement, Ami Ambatobe qui reconnait la signature d’un accord d’exécution du projet par la République du Congo en 2005 sans pourtant détailler les autres parties prenantes à cet accord, a fait savoir tout de même qu’à ce jour, la position du Gouvernement de la RDC est telle que : tout transfèrement des eaux du Fleuve Congo vers le Lac Tchad est conditionné par les études préalables de faisabilité. Ce qui exclurait dit-il, tout transfèrement à partir de l’Ubangi ; avec possibilité d’envisager ledit transfèrement à partir de l’embouchure du Fleuve Congo. Cependant, tout ceci devra être précédé par le referendum conformément aux dispositions des articles 214 de la constitution et 53 de la loi relative à l’eau, a souligné le ministre de l’environnement, tout en sollicitant l’implication politique des parlementaires congolais, par des propositions concrètes visant à bloquer tout ce qui se fait actuellement dans certaines officines des pays membres de la CBLT. Car, à part les avantages d’ordre économique que le pays tirerait de ce projet plus que le pétrole, les inconvénients sont multiples.
Le devenir du barrage et du projet Inga, le devenir de la mangrove avec ses zones de frayeurs, le devenir de biodiversité du Fleuve Congo et ses affluents, mais aussi le risque de réchauffement climatique qui résulterait de l’évaporation du carbone (environ 300milliards de tonne) contenu dans les tourbières du bassin du Congo sont parmi les inconvénients, si pas le danger qu’il y a d’accéder à ce projet.
Pour le député Henri Thomas Lokondo Yoka, le Gouvernement de la RDC doit, notamment adresser un courrier diplomatique au conseil de sécurité des nations unies pour signifier clairement son opposition à la réalisation de ce projet qui constitue un danger contre le pays.
A voir l’insistance et la détermination des pays membres de la CBLT à contourner la RDC dans la réalisation de ce projet, il y a lieu de se demander sur le contenu de l’accord de 2005. Avions-nous déjà accédé à ce projet sans en avoir cerné les contours ? La question reste posée.
Jean Médard LIWOSO