La méfiance entre le Front Commun pour le Congo (FCC) et le Cap pour le Changement (Cach) – les plateformes dirigées respectivement par Joseph Kabila et Félix Tshisekedi – remonte le jour du lancement du programme d’urgence des 100 premiers jours de la présidence de Tshisekedi. C’était le 2 mars dernier, à la place de l’Echangeur de Limete, à Kinshasa, par le président Félix Tshisekedi Tshilombo.
Profitant de l’occasion, les militants de l’UDPS, fort mobilisés ce jour-là, ont pris le malin plaisir de régler les comptes à certains ministres et membres du FCC. Conspués, les caciques du régime Kabila ont mal digéré la pilule servie par les partisans de leur partenaire. Ils sont allés jusqu’à qualifier l’acte d’une mise en scène savamment préparée par les cadres du parti présidentiel et destinée à jeter en pâture l’honneur des membres du gouvernement sortant. C’est la genèse de la controverse apte à affaiblir la solidité des liens de partenariat entre FCC et Cach.
Il faut cependant rappeler que déjà, lors de son bref séjour en Namibie, le nouveau président de la République Démocratique du Congo avait déclaré qu’il ne tarderait pas – en vertu de l’article 78 de la constitution – de nommer un informateur.
(Ndrl: cette disposition permet au président de confier la mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une majorité parlementaire au sein de laquelle, devrait être désigné un premier ministre), une annonce mal accueillie par le FCC et aussitôt rejetée en bloc, suivie de l’exigence de nommer directement et inévitablement un formateur issu de cette plateforme, en vue de former le gouvernement !
Pour colmater les fissures du partenariat, les deux plateformes ont dû signer un communiqué affirmant clairement la détention de la majorité parlementaire par le FCC.
Malgré tout, le conflit s’est déclaré à nouveau lors de la publication des résultats des élections des sénateurs et des membres des bureaux des assemblées provinciales . La maigre moisson – mieux le fiasco – du parti présidentiel et les invectives de Jean-Marc Kabund ont poussé les militants de Cach à descendre dans les rues de Kinshasa et Mbujimayi, bastion de l’udps, pour exprimer leur colère et leur indignation.
En réaction aux actes de vandalisme posés par ses partisans – sans la moindre condamnation – le président de la République a rapidement décidé de suspendre l’installation des sénateurs des sénateurs fraîchement élus et de reporter sine die les scrutins des gouverneurs et vice-gouverneurs.
Ajoutantla confusion au conflit en gestation entre les deux partenaires, la CENI vient à son tour de reprogrammer lesdits scrutins initialement prévus le 27 mars au 10 avril 2019, pour de raisons d’ordre organisationnel! Et cela sans aucune allusion aux mesures prises par le président Félix Tshisekedi.
Pour Yves Nsiala, analyste politique, toutes ces péripéties, démontrent que l’alliance entre le FCC et le Cach ressemble à l’accouplement des porcs-épis.
Félix Tshisekedi sacrifierait-il l’accord politique conclu avec le FCC ou sa base?
La question vaut son pesant d’or, car le président de la République semble jouer aux équilibristes!
Néanmoins, de nombreux indicateurs montrent qu’il exécute incorrectement l’accord et cette inexécution partielle des termes convenus au mariage est de nature à déboucher sur la dissolution conjugale, et pourquoi pas ingouvernabilité du pays!
Et cela d’autant que fort de sa majorité parlementaire, le FCC pourrait légitimement et constitutionnellement procéder à la destitution du président de la République.
En effet, l’article 166 de la constitution stipule que : » la décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du président de la République et du premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du parlement composant le congrès suivant la procédure prévue par le règlement intérieur ».
Par ailleurs, l’article 167 de la constitution précise : « qu’en cas de condamnation,le président de la République et le premier ministre sont déchus de leurs charges ».
La déchéance est prononcée par la cour constitutionnelle; encore aux mains de la Kabilie même si tout ne peut se faire de manière automatique,il est donc clair que ces dispositions constitutionnelles constituent des atouts politiques et légaux pour la famille politique de Joseph Kabila , qui dispose d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale et au sénat.
Une majorité qui semble totalement soudée et fidèle à son autorité morale .
Les dernièrs résultats des élections des sénateurs en sont une illustration parfaite !
C’est ce qui fait dire à l’analyste politique Yves Nsiala que, la confrontation entre le FCC et le Cach , reste jusque-là équilibrée puisque chacun d’eux peut nuire à l’autre. Cependant, renchéri -t-il, seul, le plus astucieux aura de l’avance sur son allié.
Mais pour Yves Nsiala, ce sont les chevaux les plus gentils qui donnent les mauvais coups de pieds.
Rédaction