Miraculeusement proclamé président de la République à l’issue de la présidentielle controversée de décembre 2018, Félix -Antoine Tshisekedi semble de moins en moins respectueux de ses engagements vis-à-vis de ses partenaires politiques. Une attitude qui risque d’engendrer des conséquences désastreuses contre le pays si on n’y pas prend garde. Dans une chronique parvenue à politiquerdc.net, ce dimanche 9 juin 2019, José -Adolphe Voto, professeur à l’Institut Facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC) relève au moins 10 volte-faces de Félix Tshisekedi, depuis les négociations de Genève.
Ci-dessous l’intégralité de la dite chronique.
DIX VOLTE-FACES POUR FELIX TSHISEKEDI
(Une chronique du Professeur José – Adolphe Voto)
Alors que les caciques du FCC, Front Commun pour le Congo – la plateforme du président honoraire – attendaient rentrer bientôt aux affaires, fort de leur majorité au parlement, ils doivent encore prendre leur mal en patience.
Les négociations entre les membres de la coalition censée former le prochain gouvernement a échoppé sur les exigences du Cach qui réclame 45 pourcents des postes au lieu de 30 conformément à son poids politique. Cette situation a amené le FCC à durcir également sa position en attaquant la dernière ordonnance présidentielle nommant des mandataires publics à la tête de la Gecamines et de la SNCC et à quitter la table des négociations.
Cette divergence entre les nouveaux alliés risque encore une fois de retarder la formation du gouvernement tant attendu, sinon, amener le pays dans une crise inutile.
Ce n’est pas pour la première fois que Félix – Antoine Tshisekedi revient sur les promesses faites aux partenaires .
Pourtant, pour un Chef d’Etat, le respect de la parole donnée est fondamental. La parole d’un Chef d’Etat a force de loi. Ce qui ne semble pas le cas jusqu’ici avec le successeur de Joseph Kabila. Les multiples revirements de Félix – Antoine Tshisekedi sont de nature à faire douter les partenaires politiques et économiques , notamment sur le plan international. Et cela est démontrable. Tenez :
Acte 1 : Avant les élections, Félix Tshisekedi signe un accord avec ses pairs de Lamuka en vue de la désignation du candidat commun de l’opposition à la dernière présidentielle. Mais vite, il va retirer sa signature, au motif de la pression de la base.
Il va signer un autre accord avec son compagnon de circonstance – Vital Kamerhe – pour le partage du pouvoir à travers la coalition Cach, sur dix ans. Il promet des postes importants à Vital Kamerhe en attendant de lui apporter son soutien pour la présidentielle de 2023 .
Acte 2 : Filix – Antoine Tshisekedi signe un autre accord avec Joseph Kabila dont le contenu n’a jamais été révélé à l’opinion publique. Mais avec évolution du temps, il saute aux yeux que Félix Tshisekedi aurait promis protection et partage du pouvoir avec Joseph Kabila, avec une possibilité d’un come-back de l’homme de Kingakati aux affaires en 2023.
En signant un autre accord avec Joseph Kabila, Thsisekedi renonce implicitement à la promesse faite de soutenir Vital Kamerhe en 2023, par ce qu’il ne peut préparer deux candidats à la fois, sans oublier la sienne. Quant aux postes, il les partage désormais avec Kabila et non avec Vital Kamerhe.
Acte 3 : Au lendemain de l’accord avec Joseph Kabila, les Américains montent au créneau et lui demandent de prendre ses distances vis-à-vis de son nouvel allié. Ils l’invitent aux Etats Unis et lui expliquent les enjeux. Dopé par toutes les promesses des Américains, Tshisekedi annonce à partir des Etats Unis les couleurs de sa nouvelle politique : ‘’ le déboulonnage du système Kabila’’.
Acte 4 : La réaction des Kabilistes ne se fait pas attendre. Ils expriment leur protestation pour ce revirement qui risque de mettre en péril les accords FCC-CACH. Tshisekedi est obligé de revenir sur les ondes par deux fois, en Lingala et en Français pour nuancer ses propos et s’expliquer sur sa déclaration qui aurait été mal comprise. Effectivement, depuis, le début du déboulonnage se fait attendre.
Acte 5 : Au lendemain de l’élection des sénateurs, les dénonciations de fraude se multiplient.
Devant la pression des combattants qui jugent inadmissible que l’UDPS qui compte douze députés provinciaux à Kinshasa ne puisse gagner aucun siège des sénateurs, Félix Tshisekedi convoque une réunion interinstitutionnelle et suspend l’installation du sénat, en attendant les résultats des enquêtes. L’on crie à la violation de la constitution et le Président risque d’être mis en accusation si le Sénat n’est pas installé dans le délai. Par une gymnastique abracadabrante, la suspension de l’installation du sénat est levée sous prétexte que les enquêtes sont très avancées. Jusqu’à ce jour, il n’y a aucune interpellation pour corruption, encore moins, les résultats des enquêtes n’ont jamais été rendus publics.
Acte 6 : Répondant aux questions des journalistes à Windhoek au mois de Février sur l’installation du gouvernement, Félix Tshisekedi promet de nommer un informateur dès son retour au pays.
Le Fcc rectifie pour dire qu’il existe déjà une majorité qui est dégagée. Il n’est pas question de nommer un informateur. Même si tout analyste sérieux sait qu’aucun parti politique n’a la majorité absolu au parlement, Félix Tshisekedi ne parle plus d’informateur. Félix finit par nommer un premier Ministre sans désigner au préalable un informateur.
Acte 7 : Après le retour fracassant de Martin Fayulu de sa tournée euro-américaine et dont la popularité ne tarit pas malgré le temps qui passe, une plainte sera déposée contre lui pour « incitation à la haine tribale » et « génocide » contre les Baluba, tribu à laquelle appartient le Chef de l’Etat.
Martin Fayulu est invité et doit se présenter devant l’inspecteur de police judiciaire le lundi 06 Mai. Mais à la veille, la tension commence à monter à la Tshangu à Kinshasa, fief inconditionnel de Fayulu où ses partisans se promettent de l’accompagner à cette convocation.
A Béni, un sit-in est annoncé par les partisans de Lamuka devant le parquet jusqu’à ce que Fayulu quitte le bureau de l’inspecteur à Kinshasa. La police sent que ce ne sera pas facile. Devant cette pression, le porte-parole de la police passe sur les médias pour annoncer que l’audition de Fayulu est renvoyée à plus tard. L’audition n’aura jamais lieu.
Acte 8: Depuis que Félix Tshisekedi est rentré de sa tournée américaine, les congolais attendent toujours le début du déboulonnage annoncé avec fracas. Ils seront étonnés de réaliser qu’à la place de son déboulonnage, le système reprend le poil de la bête. Albert Yuma par exemple, a été confirmé Président du conseil d’administration de la Gecamines et certains généraux ont été reconduits à leurs postes.
Actes 9 : Le 03 Juin dernier, le porte-parole du Président intervient sur la télévision nationale pour lire deux ordonnances nommant des mandataires publics, contresignées par son Directeur de cabinet. L’opinion réagit tout de suite à la violation de la constitution. Tentant de corriger la faute, le cabinet du Chef de l’État fait publier dans les réseaux sociaux une autre ordonnance contresignée par le Premier Ministre démissionnaire, Bruno Tshibala. Mais le problème reste entier par ce qu’il n’y a pas eu conseil de Ministres.
Mais le FCC qui remarque que son allié prend un autre virage monte au créneau et dénonce.
La question est inscrite au débat à l’Assemblée nationale, alors que le Président de la République n’est pas responsable devant le parlement. La présidente de la chambre basse demande que le Ministre du portefeuille ne puisse exécuter cette ordonnance. Les scientifiques et les politiques s’en mêlent. Une cacophonie qui risque de déboucher sur une crise institutionnelle.
Acte 10: Alors que les négociations entre les deux alliés pour la formation du gouvernement étaient très avancées, avec une clé de répartition proportionnelle qui reflète le poids politique de chaque composante, soit 60 pourcents pour le FCC, 20 pourcents pour le Cach, 10 pourcents pour Joseph Kabila et 10 pourcents pour le Président de la République.
Du jour au lendemain, les négociateurs du Cach remettent tout en question et réclament 45 pourcents des postes au gouvernement, sur base des mérites qu’eux seuls connaissent.
Le FCC se sert alors de la contestation de l’ordonnance nommant les mandataires comme prétexte pour ne pas poursuivre les négociations sur le gouvernement, sentant déjà la mauvaise foi du partenaire.
Des analyses politiques se posent des questions sur ces nombreux revirements qui risquent de décrédibiliser le Chef de l’Etat. Serait – ce une seconde nature de l’homme ou l’influence de son non moins versatile allié, Vital Kamerhe. Le Chef de l’État risque d’être perçu par ses partenaires et ses alliés comme quelqu’un qui ne tient pas parole et c’est à la République d’en payer le prix.
José – Adolphe Voto/rédaction