L’inexistence d’actions à impact visible due, notamment à l’absence des moyens d’information et de contrôle, dans la province du Nord-Ubangi , pousse certains ressortissants de la province à hausser le ton.
La question inquiète
le politologue et analyste Christian Duho Ngoy.
Dans une tribune parvenue ce 27 juillet 2020 à politiquerdc.net, à l’occasion de la célébration des 5 ans d’existence de l’Assemblée provinciale du Nord-Ubangi, cet ancien directeur de cabinet du président de l’Assemblée provinciale impute l’inefficacité de l’action de l’exécutif provincial du Nord-Ubangi aux députés provinciaux qui ont du mal, selon lui, à mener pleinement leur mission de contrôle.
Par ailleurs, dans cette tribune dont votre média en ligne vous invite à parcourir l’intégralité ci-dessous, l’auteur – ancien Directeur de cabinet du président de l’Assemblée provinciale du Nord-Ubangi – retrace les grands moments qui ont marqué le fonctionnement de l’organe délibérant du Nord-Ubangi depuis le 27 juillet 2015.
Assemblée Provinciale du Nord-Ubangi , 5 ans après, bilan mitigé
Lundi 27 Juillet 2015- lundi 27 Juillet 2020, 5 ans déjà, depuis que l’Assemblée
Provinciale du Nord-Ubangi existe comme première institution politique provinciale.
En effet, l’on se souviendra encore de ce lundi 27 juillet 2015 quand le fonctionnaire le plus gradé de l’ancien district du Nord-Ubangi, Monsieur RETSHAZU, le Chef de Division
Unique procéda à l’installation de l’Assemblée Provinciale du Nord-Ubangi, issue de
démembrement de l’ancienne Assemblée Provinciale de l’ancienne province de
l’Equateur conformément à l’article 9 de la loi de Programmation n°15/004 du 28
février 2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces.
Au cours de cette cérémonie, le Bureau Provisoire fut installé. Ce Bureau a présidé aux
destinées de la première institution politique provinciale jusqu’au vote et l’installation
du Bureau Définitif en date du 19 mars 2016.
A l’actif de ce Bureau Provisoire, on peut citer l’élaboration du Règlement Intérieur jugé
conforme à la Constitution à la suite de la requête en appréciation introduite sous R.Const. 130 dont l’Arrêt a été rendu le 25 septembre 2015, étant donné que les
missions du Bureau Provisoire étaient bien circonscrites par la loi sus vantée.
Logiquement, c’est sous le Bureau Définitif que l’Assemblée Provinciale devrait jouer
pleinement ses missions constitutionnelles qui sont principalement de trois ordres, à
savoir :
- Mission de représenter la population ;
- Mission de légiférer par Édit ;
- Mission de contrôler le Gouvernement Provincial ainsi que les services publics provinciaux.
La mission de représentation découle du principe de la souveraineté nationale qui stipule que l’élu a un mandat « représentatif », il est choisi pour représenter le peuple,
pour faire la volonté de ce dernier, il cherche cette volonté en délibérant par sa seule
conscience étant donné que son mandat est représentatif et non impératif.
Cependant, ce représentant ou l’élu a le devoir de redevabilité, c’est pourquoi, ils ont,
après 3 mois de session, l’obligation de rentrer dans leurs bases et d’y séjourner au
moins pendant 1 mois afin de rendre compte des travaux réalisés au cours de la session
à la population et recueillir les desiderata de celle-ci qui feront l’objet du rapport des
vacances parlementaires.
Malheureusement, peu étaient des députés provinciaux qui s’adonnaient à cette
obligation légale et règlementaire.
Pour ce qui est de la mission de légiférer, l’initiative d’édit étant concurrente, elle
appartient aux députés provinciaux pris individuellement ou collectivement d’élaborer
des propositions d’édits et au Gouvernement provincial des projets d’édit.
A ce propos, hormis le vote des édits budgétaires, l’Assemblée provinciale avait eu à
voter des édits types portant classification des actes générateurs des recettes par
services d’assiette, de l’édit portant procédure de recouvrement des impôts, taxes, droits
et redevances dus à la province et ses entités territoriales décentralisées et enfin, l’édit portant dispositions spécifiques à la passation des marchés publics dans la Province du Nord-Ubangi et ses entités territoriales décentralisées.
Il s’agit donc des édits types qui ont été simplement adaptés au contexte du Nord-
Ubangi. Ce qui revient à dire que jusqu’à présent, aucune proposition ou aucun projet d’édit n’est déposé pour être adopté.
Quant à la mission de contrôler, au début de l’installation de l’Assemblée provinciale, il y avait une certaine volonté de contrôler l’exécutif provincial.
Mais vite, cette volonté a été surplombée par les intérêts individuels et politiques, souvent égocentriques des députés provinciaux et du Bureau, avec comme conséquence, une sorte d’inféodation de
l’Assemblée provinciale à Madame la Gouverneure.
Néanmoins, en tout, 18 moyens d’information et de contrôler furent actionnés dont 9
questions orales avec débats, 2 questions d’actualité, 5 missions d’enquête parlementaire, 1 interpellation adressée à Madame la Gouverneure, jugée recevable par
la plénière mais non débattue et 1 motion de défiance déposée contre la Ministre Provinciale de Santé mais étouffée par le Président de l’Assemblée Provinciale pour des raisons inavouées.
Il sied de reconnaitre que beaucoup de choses dans le sens du contrôle de la gestion de
la province qui devraient être faites, ne l’ont pas été parce que le Bureau de l’Assemblée
provinciale était devenu complaisant vis-à-vis de l’autorité provinciale. Pas d’actions à impact visible, pas d’école ni centre de santé réhabilité, pas de tronçon des routes à intérêt provincial réhabilité, pas des tournées d’inspection dans des territoires, opacité totale dans la gestion financière de la Province illustrée par le refus délibéré d’instituer
la chaine des dépenses alors que pendant ce temps, des retenues systématiques et
illégales étaient opérées sur les rétrocessions des entités territoriales décentralisées aux
motifs fallacieux les uns pour les autres. Que des raisons pour actionner les moyens
d’information et de contrôle, mais hélas, cette complaisance avait rendu les députés
provinciaux complices de l’inertie constatée par la population dans l’action
gouvernementale et avait jeté de discrédit sur la première institution politique provinciale.
Pour s’en rendre compte, le rapport de mission d’enquête parlementaire
diligentée à la régie financière provinciale avait établi que l’argent issu de perception
des taxes sur le péage routier était logé dans des comptes courants des personnes
physiques et que l’argent collecté était dépensé au détriment des intérêts publics.
Mais contre toute attente, l’Assemblée provinciale avait simplement adopté une recommandation demandant à Madame la Gouverneure de « reconstituer et
rembourser les fonds du péage afin de permettre la réfection des routes ».
Une telle
recommandation face à une preuve irréfutable de détournement était un aveu d’impuissance ou un signe d’inféodation de l’Assemblée provinciale vis-à-vis de l’autorité provinciale.
Quant à l’actuelle Assemblée provinciale, ne disposant pas des données sur ses travaux,
nous émettons des réserves pour l’évaluer correctement.
Cependant, en examinant
certaines choses comme la composition des bureaux de ses commissions permanentes, il
y a lieu de s’inquiéter sur la qualité des travaux qui pourront en découler. Nous sommes
également inquiets de voir l’Assemblée provinciale être prisonnière de « deal
politique », ce qui inhiberait ses initiatives républicaines de contrôle sans lequel, il sera
difficile d’évaluer l’exécutif provincial.
De tout ce qui précède, nous pouvons affirmer sans trop de risque d’être contredit que 5
ans après son installation, le bilan de l’Assemblée provinciale du Nord-Ubangi est mitigé, elle n’aura pas rencontré suffisamment les attentes de la population et les perspectives
d’avenir semblent être également moins radieuses de voir cette première institution
politique provinciale jouer son rôle de locomotive de la Province.
Tribune de Christian Duho Ngoy