Les analystes politiques Rdcongolais sont pessimistes de l’issue des consultations politiques et sociales menées par le chef de l’État ces dernières semaines. Et pourtant tout le monde ou presque était enthousiaste à l’idée de mettre sur pied une union sacrée pour la nation, ainsi que l’a annoncé le Président de la République.
L’appel du premier citoyen de la République a sonné aux oreilles et retenti dans l’esprit d’un grand nombre des congolais comme le signal d’une rupture annoncée de la coalition FCC-CACH au pouvoir dans notre pays.
Plus le temps passe, moins l’optimisme prend place au regard du déroulement des consultations. L’impression qui se dégage est que ces consultations inaugurent en réalité une situation d’incertitude voire inédite au pays. Car, initialement, cette démarche avait la prétention de bouleverser en pleine législature le schéma classique de la vie politique à l’issue d’un scrutin. Ici, il s’agit des élections de décembre 2018.
Dans cette perspective, le président de la République a reçu l’adhésion d’un grand nombre des congolais dont certains sont venus lui soumettre leurs avis et considérations, les suggestions et analyses, mais d’autres ont préféré s’abstenir de participer à ces consultations pour des motifs probablement légitimes.
Pendant que se déroulait au palais de la Nation, les deux partenaires dépêchaient chacun ses émissaires auprès des parrains de leur accord. Et enfin, l’un et l’autre recevait les envoyés des pays étrangers.
L’initiative censée concerner les congolais a vu d’autres acteurs – souvent plus écoutés – rentrer dans la danse. Dès lors, il y a de quoi susciter des interrogations sur l’issue de ces consultations.
Autre chose, la démarche inclusive aurait été plus équilibrée quant à la suite des consultations.
Pendant ces consultations, il fallait observer la trêve politique pour fédérer les énergies. Nous pensons qu’elle aurait pu intégrer en son sein toutes les opinions, concordantes et divergentes allant de l’opposition réfractaire à la vingtaine des présidents des partis du regroupement politique FCC, car le duel politique intense relayé par la presse et directement par certains acteurs politiques a contribué au raidissement des des positions. Rien d’étonnant d’assister ces dernières semaines à l’étalage au grand jour des stratégies des uns et des autres.
Nous nous souviendrons que certains cadres de la plateforme de l’ancien chef de l’Etat n’ont pas hésité à revendiquer une cohabitation nécessaire en lieu et place d’une coalition difficile, alors que l’argumentaire de l’UDPS et alliés prône une ouverture à toutes les forces politiques et sociales allant pour certains jusqu’à évoquer l’idée d’un gouvernement d’union nationale.
Ouverture, cohabitation, coalition?
La théorie politique nous renseigne que l’ouverture est une main tendue, de bonne foi ou sous la contrainte, à un ou des adversaires politiques. Elle est souvent empreinte de sincérité, car elle permet aux initiateurs de trouver des débouchés et des portes de sortie face à une crise qui mine la gouvernance voire pays.
A défaut de l’ouverture, la logique d’une recomposition de la vie politique taraude également les esprits. Mais quelle en sera le modus operandi, dès lors qu’aucune crise permanente n’est perceptible entre le gouvernement et le parlement et que cet exercice périlleux requiert plusieurs subterfuges dont l’organisation de la CENI, une grande mobilisation financière au moment où la pandémie Covid-19 impacte sérieusement l’économie tant nationale qu’internationale.
La cohabitation en RDC quant à elle, sera la coexistence à la tête de l’Etat d’un président de la République ( chef de l’exécutif) et d’un Premier ministre ( chef de gouvernement ) – issus tous deux de tendances politiques opposées – mais le second a obtenu le plus grand nombre de sièges aux élections législatives.
Or, la nomination d’un Premier ministre issu de la majorité parlementaire est une obligation légale au Congo, mais pas une obligation politique. C’est une voie vers l’épreuve de forces dont le peuple n’a plus besoin.
Le chef de l’Etat peut rechercher, si la nécessité s’impose, une nouvelle majorité politique.
Comment pourra-t-il y arriver lorsqu’on sait que la constitution ne lui donne pas la possibilité de rapporter l’Ordonnance nommant le Premier Ministre en fonction ?: « Abroger ou annuler une décision administrative » sans contreseing? Dans la même séquence, il faudrait qu’un informateur identifie une nouvelle majorité…
A défaut de quoi, la nomination d’un chef de gouvernement qui n’est pas reconnu par la majorité des députés, l’exposera d’office à un vote de censure et rendra
impossible l’application du programme du gouvernement.
Donc contre productif.
Solution !
La réflexion de plusieurs experts s’articule autour de l’organisation d’un dialogue franc et responsable incluant tous les acteurs majeurs et représentatifs de notre classe politique et sociale afin de réfléchir sur les points cardinaux, allant d’une bonne gouvernance, des réformes institutionnelles aux sujets essentiels à la prospérité de notre pays.
Tribune de Jean-Jacques Mbungani
Analyste politique