En tout cas les deux dirigeants de la Société Congolaise de Transport et Ports (SCTP, ex-Onatra) sont brillamment cités dans une rocambolesque affaire qui appelle à une attention soutenue des autorités compétentes.
Deux dossiers avec les Libanais Abed Achour, patron de Sokin, et Ibrahim de Socimex risquent de leur coûter les postes et les envoyer au chômage, peut-être en prison si tous les faits évoqués parvenaient à être confirmés par la justice.
A en croire les sources bien branchées du dossier qui se sont confiées à politiquerdc.net, le premier dossier serait lié au contrat que le ministre des Transports et voies de communication aurait signé le 12 mars dernier avec la Sokin pour l’acquisition des wagons et ce, en violation des mesures conservatoires communiquées par le directeur de cabinet du président de la République aux membres du gouvernement sortant expédiant les affaires courantes de ne prendre aucun acte engageant la République.
La signature de ce contrat de l’ordre de 6 millions de dollars américains n’a respecté aucune des normes ni de passation de marchés publics ni celles réglementant les sociétés étatiques. Ce qui a fait que Guylain Nyembo – le directeur de cabinet du chef de l’Etat – chargé par ce dernier, enjoigne le ministre Didier Mazenga, toutes affaires cessantes et sans délai, de résilier le contrat.
Il sied de préciser, qu’en matière d’actionnariat, c’est le ministère du Portefeuille qui est actionnaire pour le compte de l’Etat congolais dans les entreprises. Cette prérogative lui donne le contrôle administratif et financier de toutes les entreprises dans lesquelles l’Etat congolais est actionnaire majoritaire ou propriétaire. Ainsi, en ce qui concerne l’ex-Onatra devenu une société commerciale, où l’Etat congolais est le seul actionnaire, le ministre Didier Mazenga aura commis la maladresse d’avoir signé ce contrat sans en informer le Conseil d’administration de la SCTP, organe de contrôle qui donne des directives , ou encore le ministre du portefeuille, le seul actionnaire de la société. Alors que le ministère des Transports et voies de communication ne doit s’occuper que des aspects techniques vis-à-vis de la SCTP.
Pourtant, dans le contrat signé, il est dit que les moyens pour l’achat de ces wagons doivent provenir de la redevance logistique terrestre (RLT). Or, le mécanisme du décaissement de la RLT est verrouillé. C’est-à-dire ne peuvent conjointement ordonner le décaissement de la RLT que le ministre des Transports et voies de communications et le ministre des finances en sollicitant en aval l’autorisation du premier ministre. Mais ce dernier n’est ni copié dans le contrat ni informé de sa signature.
Pendant ce temps, dans ses moyens de défense, le ministre Didier Mazenga a rejeté la responsabilité sur les dirigeants de la SCTP qui lui auraient exprimé le besoin de la société d’acquérir des wagons. Mais pourquoi ne pas passer par le Conseil d’administration de la société et informer le ministère du Portefeuille ? C’est le flou, oui c’est flou !
Il convient de noter que pour des dépenses dépassant 1,5 millions USD, le comité de gestion doit impérativement avoir l’aval du Conseil d’administration. Celui-ci a la fourchette de 1,5 millions à 7 millions USD. Au-delà de 7 millions, c’est l’Assemblée générale qui en décide.
Le fait que la direction générale de la SCTP ait poussé le ministre de Transports et voies de communication de conclure un marché de 6 millions USD sans passer par le service de passation de marchés publics, dénote sans nul doute de la mafia d’autant plus que la société du Libanais Abed Achour dont la réputation en matière d’affaires est peu reluisante, n’a aucune expertise ni technicité en matière des équipements ferroviaires, soulignent les experts du secteur. Aussi, pourquoi passer par un intermédiaire pour acquérir ces wagons en lieu et place de commander directement à l’usine entre deux sociétés ?
C’est en tout cas ce qui semble clouer la direction de la SCTP et qui prouve d’ailleurs sa complicité dans « ce deal mafieux », c’est le fait que le ministre des Transports et voies de communication lui a signifié ce contrat le 22 mars. Mais déjà le 15 mars, soit une semaine avant, le Directeur Général Franklin Mabaya avait déjà fait des annotations au directeur du département de chemins de fer, au directeur juridique et à son conseiller pour disposition. Autrement dit, qu’il avait déjà validé ou autorisé. C’est là où ça sent la complicité, la mafia organisée, estime-t-on au Conseil d’administration de la SCTP qui a sollicité auprès du ministre du Portefeuille la suspension du comité de gestion pour diligenter une enquête.
Une proposition de suspension qui a été valablement approuvée à l’unanimité par les 8 membres présents à la réunion sur 10 que compte le Conseil d’administration, les deux dirigeants de la SCTP ayant boycotté la séance et la désignation séance tenante de Martin Lukusa, directeur du Département du Port de Kinshasa pour assumer l’intérim au poste de directeur général et ainsi assurer la continuité de la gestion courante des activités de la société, fait -t-on savoir à votre média en ligne. Il est reproché dans ce dossier aux Directeur Général et à son adjoint, « la complicité collégiale et l’exécution d’un contrat mal négocié ».
En outre, le deuxième dossier qui a éclaboussé les deux dirigeants de la SCTP est la prolongation de séjour des marchandises de certaines sociétés dont Socimex dans les entrepôts de la SCTP sans l’aval du Conseil d’administration, faisant ainsi perdre à la société plus de 2 millions USD de janvier à ce jour alors qu’elle en a grandement besoin pour le paiement des agents. Et pourtant, une décision du Conseil d’administration avait interdit depuis novembre 2020 cette prolongation qui a toujours, non seulement causé un manque à gagner pour l’entreprise, mais aussi lui a créé des litiges au tribunal en cas de perte ou détérioration.
En effet, en bénéficiant de ces prolongations, les sociétés concernées entassent des marchandises, mais les dernières pour leurs livraisons. Situation qui fait que les anciens stocks périssent à force de traîner longtemps dans les dépôts. Ce pourrissement est toujours mis sur le dos de la SCTP par celles-là même qui avaient bénéficié de la prolongation gratuite. Plusieurs fois, Socimex se serait fait beaucoup d’argents sur le dos de la SCTP à travers ce genre des dossiers au tribunal alors qu’elle a bénéficié des largesses à elle seule à hauteur de plus d’un million USD. Toujours d’après les mêmes sources qui se sont livrées à votre média, cette prolongation serait obtenue par le versement des pots-de-vin au comité de gestion. Voilà qui a fâché le Conseil d’administration.
Immixtion de l’IGF
Au moment où le Conseil d’administration veut sauver la SCTP de la prédation, dans sa lettre de ce jeudi 8 avril 2021 adressée au président de la République, l’Inspecteur Général des Finances, Jules Alingete, fait l’avocat du diable en protégeant les deux dirigeants de cette société. Il parle de la situation de confusion au sein de la Direction de la SCTP suite à la décision de son Conseil d’administration de retirer sa confiance au Directeur Général de cette entreprise.
«Si cette confusion devait se maintenir, elle entraînerait un blocage complet du fonctionnement de cette entreprise stratégique ainsi qu’une grogne du personnel, autant de perturbation sans doute projetées dans le but de mettre l’équipe d’encadrement des dépenses dans une pression de nature à faire passer des dépenses qui, autrement, n’auraient aucune chance d’être approuvées», lit – on dans le courrier de Jules Alingete adressé au chef de l’Etat Félix Tshisekedi, dans le but de soutenir son plaidoyer, estimant que le Directeur Général de la SCTP serait la seule personne habiletée à engager sa trésorerie, à travers les plans de décaissement que l’équipe des inspecteurs des finances qui y dépêchée, en mission d’encadrement, doit approuver préalablement à l’exécution de toute dépense, y compris les dépenses sociales.
Mais d’aucuns se demandent qu’arrive-t-il si par exemple M. Franklin Mabaya, serait empêché définitivement, la SCTP devrait-elle s’arrêter ? Martin Lukusa désigné n’est-il pas enfant maison ?
Pour certains administrateurs de la SCTP, « Jules Alingete serait lui-même le protecteur des voleurs ». D’autres soutiennent que le patron de l’IGF serait le « fiduciaire » de la plupart de Libanais et Indo-pakistanais dont la Rawbank, la Socimex et la Sokin. Il serait soupçonné d’avoir empoché l’argent de ces Libanais mis en cause, pour défendre leurs intérêts de leurs complices à la tête de la SCTP qui leur offrent des avantages au détriment de l’ex-Onatra, mieux, de l’Etat Congolais.
Dossier à suivre!
Constant Mohelo Zoro