La RD Congo vient de perdre l’une de ses têtes pensantes en la personne du professeur Kä Mana. Godefroid Mana Kangudie, parce que c’est de lui qu’il s’agit, est décédé ce jeudi 15 juillet dans la ville de Goma. Alors que sous d’autres cieux on vénère et honore des hommes brillants ayant servi d’éclaireurs et d’avant-gardiste de leur société, au pays de « chez nous on roule à mbeba », le décès du philosophe et théologien est passé inaperçu, un non-évènement.
Pourtant l’homme s’est battu et s’est dévoué corps et âme pour la transformation de l’homme africain en général et celle du congolais en particulier. Le professeur Kä Mana savait placer des mots sur les maux qui rongent et contribuent au déclin du potentiel de réflexion dans nos sociétés africaines. Ainsi dans ses analyses, il n’a cessé de décrier le déficit de conscience des populations africaines sur les enjeux réels du présent et le rôle nocif et macabre de ce qu’il appelait des structures d’imbécilisation collective telles que l’école et l’université, la religion, les sociétés brassicoles ou encore les médias pour ne citer que quelques-unes.
Le penseur a toujours soutenu que l’essor de nos sociétés africaines ne pourrait être rendu possible que si l’Africain devient capable de réfléchir et de regarder en toute conscience et sans complaisance les problèmes et difficultés auxquels il est confronté telle que la misère matérielle, de ses extraversions culturelles, une situation économique et politique chaotique.
C’est pour cette raison qu’il avait fait du changement du paradigme un de ses postulats. Il n’a jamais cessé de répéter qu’il fallait éduquer les jeunes le plus profondément possible en leur inculquant un esprit de grandeur afin de construire un avenir meilleur, en lieu et place de les inciter à la paresse et à la facilité. Le prof Kä Mana soutenait que l’Afrique fait face à une bataille de l’imaginaire. Selon lui, l’image que le monde a de l’Afrique aujourd’hui a été fabriquée par les autres dans le but de l’aliéner et la maintenir dans la condition d’infériorité et de servitude. Néanmoins, avançait-il, le temps était venu pour que l’élite intellectuelle africaine déconstruise cet imaginaire qui veut que l’Afrique soit en queue de peloton, de construire un autre imaginaire qui décrit l’Afrique à sa juste valeur. Un continent qui a donné naissance à l’humanité et à la plus grande civilisation à savoir l’Egypte pharaonique. Un continent qui a été à l’origine de toutes les sciences et les arts.
Prolixe auteur, le professeur Kä Mana laisse au monde une riche bibliographie qui étale ses pensées et conviction, de la philosophie à la théologie.
Hélas, L’homme qui un jour avait déclaré « les États-Unis d’Afrique, c’est fondement de notre avenir qui devrait devenir une réalité politique, économique, sociale et culturelle. Ou nous faisons ça ou nous crevons », a décidé de rejoindre les ancêtres au moment où la société congolaise est plus que divisée à cause de la congolité.
Nefer Sektmet Kama