Depuis janvier 2020, l’Alma mater du Mont Amba fait l’hémorragie de sa matière grise et si rien n’est entrepris pour la contenir, le fleuron du savoir hérité de la colonisation qui faisait autrefois la fierté du pays ne sera que l’ombre de lui-même.
Certains diraient qu’un ange de la mort rôde et frappe de façon malicieuse le cercle de professeurs de l’Université de Kinshasa. Un par un, ces professeurs et grands baobabs de la toute première université congolaise – géniteur de millions d’universitaires congolo-zaïrois – tombent comme des roseaux asséchés sous la tempête de la mort.
L’on compte à ce jour à peu près 25 décès au sein du corps professoral et dont le tout dernier cas est celui de l’éminent professeur de droit Pindi Mbesa Kifu, survenu de suite d’une longue maladie. Ancien patron de la maison civile du Maréchal Mobutu et Recteur ad intérim de l’Université du Zaïre, campus de Kinshasa, (actuel Unikin) de mai 1993 à mai 1995, il s’est éteint alors qu’on avait encore besoin de lui.
Un ancien étudiant de celui qui fût une bibliothèque vivante témoigne:
« La mort de ce dernier qui me chouchoutait comme étudiant à ma première année de philosophie, m’a secoué et pousse à des interrogations et des interpellations de toute notre société et surtout à la classe politique et dirigeante. Le Pr. Pindi Mbesa ne commençait jamais son cours sans avoir vu dans sa classe celui qu’il nommait affectueusement père Stéphane.
La mort est certes un phénomène naturel et personne n’y échappera, mais quand elle frappe un grand nombre pour une courte durée dans une aire limitée, les interrogations sont inévitables ».
Qui est ce meurtrier silencieux ?
« La mort d’un seul individu dans une communauté sérieuse suscite interrogation, enquêtes pour disséquer la cause et l’origine du décès afin de trouver des solutions idoines. Le décès de nos professeurs doivent nous interpeller tous, surtout ceux qui, – en politique, s’amusent tels des enfants égocentriques et narcissiques – tuent ce pays par la prise des mauvaises décisions. Sans éthique ni valeurs de morales, ils se prostituent sur la scène politique congolaise », ajoute le même étudiant .
À bien regarder, on peut relever quelques causes explicatives des décès en chaîne. Il convient cependant de préciser que dans la plupart de cas, on note près de 70% de morts liés à des maladies chroniques, 20% de décès dûs aux courtes maladies et 10% soit 4 cas de covid-19.
Cette ventilation serait de nature à masquer la réalité au cœur de ces pertes en vies humaines, pense un analyste. Pour lui, « ce sont les maux sociaux qui rongent la société congolaise et dont d’aucuns pensent que l’État congolais et ses politiques, peuvent en être « des meurtriers le silencieux des professeurs de l’UniKin.
En effet, autrefois, la prise en charge des soins médicaux des professeurs de l’Unikin était efficacement assurée par le gouvernement congolais. Actuellement, la réalité n’est qu’apparente, au-delà du fait que le ministère de tutelle – celui de l’Enseignement Supérieur et Universitaire – est un parent pauvre. Au budget national, sa part est fort négligeable.
« Il faut avoir la patience d’un chrétien qui attend le retour de Jésus-Christ pour espérer percevoir les frais des soins médicaux par le ministère de l’ESU », nous confie un professeur qui a requis l’anonymat.
« Et de fois quand vous êtes servi, vous devez payer de rétrocommission… C’est pénible », a-t-il ajouté.
« Avec nos salaires, très précaires, comment peux-t-on se soigner en cas de cancer?
Ceux qui peuvent se le permettre, ont du mal à obtenir le remboursement de l’État congolais », s’est demandé notre interlocuteur.
L’inexistence des politiques publiques sanitaires a conduit le gouvernement à abandonner les hôpitaux à leur triste sort. Généralement, ils sont mal équipés et dans des conditions hygiéniques laissant à désirer. Certains patients ayant subi une opération chirurgicale meurent suite à des infections imputables à l’insalubrité dans les hôpitaux. Ces bâtiments qui devaient être des lieux propres et sains pour le suivi post-opératoire sont des véritables mouroirs, étant donné qu’ils sont devenus de nids de microbes.
Même le très célèbre lieu de formation du corps médical et d’administration des soins que sont les Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK) n’échappe pas à cette réalité. Et pourtant, c’est à elles que convergeaient plusieurs africains pour leurs soins. Sous équipées, elles laissent la mort donner le sommeil éternel à certaines âmes qu’elles auraient pu guérir.
En un mot comme en mille, l’État congolais est le principal et silencieux meurtrier tant des universitaires que du peuple congolais en général.
l’État congolais est donc appelé à repenser à sa politique sanitaire pour préserver la vie des professeurs , bref de tous le peuple congolais.
Alain St. Bwembia